L'antre de Lonewolf : Le RPG, c'était mieux avant ?

Vie et mort du RPG. Ou pas.

Posté le Lundi 21 Juillet 2014 à 14:02 par Lonewolf
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Voilà une réflexion qui est souvent entendue, et plus particulièrement quand on parle de la production japonaise : le RPG est mort, fini, à la ramasse, c'était mieux avant, ça ne marche plus, etc... D'accord, on a compris. Mais la question est simple : est-ce vrai ? Ou juste la remarque de quelques aigris qui se nourrissent exclusivement aujourd'hui de FPS et de jeux plutôt courts ? On se penche sur le sujet RPG, alors ? Yep, vous avez compris. Et on va voir ça étape par étape, en commençant par le commencement.

I WTF is a RPG ?
En voilà une belle question... Alors, RPG, ça veut dire Role Playing Game. Soit, en français, Jeu de Rôle (ou JDR, donc). Le RPG propose donc, à l'origine, de jouer un rôle à travers le jeu vidéo. Ce qui n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui, la définition est nettement plus nuancée, dans la mesure où l'école occidentale et l'école japonaise s'opposent assez, et dans la mesure où il existe beaucoup de genres au sein même du RPG. Donc, pour définir le RPG, il est plus simple de relater les origines du genre et d'en faire un glossaire. N'est-il pas ? Bref, au boulot !

Le RPG n'est pas né sur consoles ou PC, vous vous en doutez. Il a débuté sur une table, avec des feuilles, des dés, et l'imagination des joueurs, prenant ses racines dans la fantasy épique de la littérature (oui, je parle de Conan le Barbare, du Seigneur des Anneaux, du Monde de Narnia...). Plus tard ont été créées les maquettes et figurines qui renforcent l'immersion. L'étape ultime étant atteinte avec le GN (Grandeur Nature), où les joueurs jouent leurs scènes, se battent, se déplacent, etc... Signalons que, dans les acronymes français, on parle souvent de JDR (pour Jeu de Rôle) pour tout ce qui concerne le jeu sur table et le GN, et qu'on garde RPG pour tou ce qui touche au PC et aux consoles.
Donc, ce qu'est un RPG, en gros : un jeu où l'on vous propose d'incarner un personnage et de le faire évoluer dans une histoire épique.

Toutefois, après son arrivée dans le monde du jeu vidéo, le RPG s'est vite divisé en deux grandes écoles bien distinctes : l'Occident (souvent américain, mais pas toujours) et l'Orient (très souvent japonais, mais pas toujours non plus). Mais ça, on verra après. Ce qu'il faut surtout savoir, c'est qu'il y a du sous-genre à foison ! Et je vais essayer de vous en faire une liste, totalement non exhaustive. C'est donc le point suivant.

II Le RPG en vrac
Bon, essayer de faire le tri entre les différents genres de RPG à un public qui n'en est pas joueur, c'est comme vouloir expliquer Doctor Who à ceux qui ne regardent pas. Vous imaginez l'ampleur de la tâche, mais on va essayer quand même.

Le RPG "tour par tour" - Itération classique du RPG japonais. Le groupe du joueur et celui des ennemis se font face et s'attaquent membre par membre dans un ordre plus ou moins défini. Final Fantasy a intégré un système de timing avec la création de la jauge ATB (Active Time Battle) [Dragon Quest, Final Fantasy]
L'Action RPG - La principale caractéristique de l'Action RPG, qui lui vaut ce nom, est son système de combat en temps réel, similaire à un jeu d'action, à l'opposé du tour par tour. [Kingdom Hearts]
Le Dungeon RPG - Parfois également appelé Dungeon Crawler. L'accent est ici mis sur l'exploration des donjons, le combat, et le jeu se partage souvent entre les donjons et la base des héros. [Persona]
Le Tactical RPG - Un RPG classique, mais orienté sur les combats, lesquels utilisent le gameplay d'un jeu de stratégie. [Final Fantasy Tactics, Disgaea]
Le Hack n'Slash - Également appelé "Porte, Monstre, Trésor", il se caractérise par une vue de trois quarts dessus et de l'action à outrance dans une série de donjons. [Diablo]
Le MMORPG - Massively Multiplayer Online RPG. Pour faire simple, les RPG qui se jouent en réseau. Certains sont gratuits, d'autres nécessitent un abonnement payant. [World of Warcraft]

Ajoutons à cela que bon nombre de jeux reprennent des mécaniques de RPG de façon plus ou moins claire sans pour autant faire partie du genre : Yakuza et The Legend of Zelda en tête. Même certains FPS reprennent des idées de RPG via de l'expérience obtenue en utilisant certaines armes. Mais ça n'en fait pas du RPG pour autant. Mais non, ce n'est pas bordélique, voyons.

Bref, passons à la seconde partie de ce topo sur les genres avec l'opposition Orient/Occident.

III L'école occidentale et l'école orientale
Les premiers RPG sont nés sur PC, en Occident, suivant la tradition du JDR sur table. Il s'agissait alors principalement d'aventures textuelles, à la façon des livres dont nous sommes le héros. Avec l'arrivée des graphismes et du visuel, on a pu commencer à reprendre les règles du JDR et créer non seulement une fiche de personnage, mais également un avatar. Plus tard arriveront les premières consoles du Japon, et avec elles les fers de lance du RPG japonais, notamment Dragon Quest (1986) et Final Fantasy (1987).

Donc, les deux écoles sont très différentes, comme je l'ai dit. Mais en quoi, demanderez-vous ? En à peu près tout, en fait...
Le RPG occidental, donc, s'inspire du JDR sur table et en reprend les grands principes : construction d'un avatar, fiche de personnage, scénario souvent prétexte ou modulable via es choix, l'intérêt est bien de jouer un rôle dans un univers vaste, avec un héros au développement relativement limité qui pousse à la spécialisation, et un gain d'XP plus modéré et pas nécessairement obtenu par le combat. Le RPG japonais, lui, va plutôt mettre aux commandes d'un groupe de héros, dans une aventure totalement scénarisée, sans choix ni personnalisation possibles, et l'évolution du personnage est bien souvent automatique.
Soulignons aussi que l'inventaire d'un RPG occidental est très limité, alors que le Japon est connu pour ses sacs sans fond (avec quelques exceptions de temps en temps).

De plus, la base du RPG japonais, comme dit plus haut, est le combat au tour par tour, alors que l'Occident préfère l'action en temps réel. De même, les univers utilisés seront assez opposés : à la fantasy japonaise, on opposera régulièrement (surtout aujourd'hui) la science-fiction occidentale. Ce qui n'est évidemment pas une règle absolue, puisque les univers sont variés et partagés entre les deux.

La plus grosse différence vient bien des supports. Du moins jusqu'à la génération PS3/360. En effet, jusqu'alors, les consoles étaient le territoire réservé du RPG japonais, malgré quelques incursions de l'Occident, notamment avec des hack n'slash. Le RPG occidental, lui, s'épanouissait en priorité sur PC, dont le RPG japonais se désintéressait pour ainsi dire totalement (les portages de Final Fantasy VII et Final Fantasy VIII faisant figure d'exceptions).
C'est donc la génération PS3/360 qui a vu l'arrivée massive de l'Occident sur consoles. Et on ne va pas s'en plaindre. D'autant que les deux visions se lient désormais, et que chacun propose des productions influencées par l'autre. On peut citer le Child of Light d'UbiSoft qui reprend toutes les bases du RPG japonais, ou la série des Souls de From Software qui sont marqués par une esthétique et des idées typiquement occidentales.

Mais tout ça, bien que resituant bien le genre et étant très intéressé (j'en vois quelques-uns rigoler !) ne répond pas à la question : alors, le RPG, c'était mieux avant ?

IV Le déclin du RPG ?
Voilà une préoccupation bien actuelle, qui revient souvent dans pas mal d'interventions sur le Net, et plus principalement concernant le RPG japonais : "c'était mieux avant, ils savent plus rien faire, ils stagnent, les histoires sont nazes !". Et je suis bien le premier à ne pas être d'accord !

D'abord parce que bon nombre d'exemples prouvent le contrair, Resonance of Fate et NieR en premier lieu. Ensuite, parce que nous voyons arriver en France de plus en plus de RPG bien WTF. Les deux Mugen Souls sont l'exemple parfait. Parce que, également, comme dit plus haut, les Japonais mélangent leur style avec l'Occident, ce qui offre un réel renouvellement. Et enfin, il est difficile de renoncer à une patte créatrice. Le RPG japonais a une identité, et les créateurs y tiennent, même s'ils veulent bien la bousculer de temps en temps.

Je crois que cette affirmation est surtout née des déceptions qui ont été livrées par quelques gros noms.
Notamment Square Enix et Tri Ace. La trilogie Final Fantasy XIII est très très décevante par rapport aux précédents, même au très décrié Final Fantasy XII. D'un point de vue strictement personnel, je dirais même que c'est une insulte aux fans et à la saga, tant il n'y a rien à sauver dedans (oui, je vous rassure, ça n'engage que moi). C'est avec cet épisode que j'ai le plus souvent vu les reproches listés plus haut, et vous aurez compris que je les partage. De même concernant Tri Ace, qui n'a pas fait grand chose de notable et intéressant depuis Resonance of Fate... Infinite Undiscovery a été bien plombé par son gameplay incompréhensible et sa mollesse absolue.
Bien sûr, les critiques soulèvent aussi que les Occidentaux font bien mieux, les ont dépassés, etc... Mais mille fois non ! Ils ont juste des RPG toujours très intéressants, et bien plus visibles depuis qu'ils sortent systématiquement ou presque sur consoles. Et force est de constater que la production occidentale est nettement plus active. Mais mieux, non. Différente, oui.

Et je pense que c'est là le cœur de la question : un problème traité de façon superficielle, en réduisant la production japonaise à pas grand chose, et en découvrant les grandes qualités du RPG occidental. De là à jeter tout un genre à la poubelle, il y a une sacrée marge...

V Un genre de niche, alors ?
Hé bien... Oui. Gros noms mis à part, le RPG est devenu un genre de niche, réservé à une frange de passionnés qui se tiennent au courant de ce qui se fait.
Il suffit de voir les tops des ventes pour constater que la grande mode, commercialement parlant, est aujourd'hui pas mal au FPS, et ensuite à l'action (genre que j'affectionne également, hein). Le RPG ne s'y hisse guère que quand il s'appelle Final Fantasy, Dragon Quest, ou encore Kingdom Hearts, alors que bon nombre de représentants du genre mériteraient qu'on s'intéresse à eux, de ceux qui proposent un gameplay et une histoire classiques mais efficaces, à ceux qui veulent un peu bousculer les codes.

Définitivement, le RPG, ce n'était pas mieux avant. Juste bien différent sur tous les plans. Et je pense qu'on y a gagné aujourd'hui.

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