L'antre de Lonewolf : Suites, remakes, portages, reboots, et nouvelles idées : quel avenir commercial dans le jeu vidéo ?

Deux systèmes d'édition en parallèle à venir ?

Posté le Mercredi 09 Juillet 2014 à 10:54 par Lonewolf
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Un article rapide pour parler de ce qui me semble être une mutation en cours du jeu vidéo. Ou, du moins, de son domaine éditorial.

Les premiers jeux à débarquer sur PS4 et XBox One ont pu laisser un sale goût dans la bouche de la plupart des gamers... En vrac, on trouvait, en plus des traditionnels jeux cross gen présents sur la génération actuelle et la nouvelle en parallèle, beaucoup de suites et portages de la génération PS3/360. Halo, un portage de Tomb Raider, un autre de The Last of Us, et d'autres... Et très peu de jeux véritablement next gen et originaux, si ce n'est The Order : 1886. Une fois de plus, l'industrie fait le pari, en priorité, de miser sur des valeurs sûres, quitte à faire passer la nouvelle génération pour du gros émulateur de luxe.

Mais ce qui se détache surtout depuis quelques temps, y compris sur la génération actuelle, et qui n'était pas si flagrant il y a quelques années, c'est le fait que beaucoup de projets en route soient des jeux dits AAA. Comprendre : des gros blockbusters, avec grosses équipes, gros budget, grosse pub, grosses ambitions de vente... Peu de place est faite aux projets moins ambitieux et (souvent) plus créatifs. Il suffit de voir qu'à part The Last Guardian qu'on attend toujours, rien ne semble venir sortir des sentiers battus ces dernières années. Sauf si on va chercher du côté du dématérialisé.

En effet, sur le PS Store et le XBox Live, vous avez accès à un catalogue tout différent. Certes, vous trouverez les versions numériques de pas mal des jeux AAA dont je parlais juste avant, mais vous trouverez aussi toute une masse de projets exclusifs à ce mode de distribution, et avec des ambitions bien différentes.
L'exemple le plus évident est évidemment celui des jeux indépendants. L'utilisation d'infrastructures gérées par d'aussi grands noms est un véritable coup de boost pour leur visibilité, et ils ont tout loisir de laisser parler leur créativité. Mais on trouvera aussi certains jeux produits par les gros studios historiques. UbiSoft, notamment, est un habitué de ces "petits" jeux.

Pourquoi petits ? Parce que petit budget, petite équipe, petite promo, peu d'ambitions de vente... Bien loin des considérations des AAA dont on entend parler tous les jours ou presque parce que Bidule a évoqué le titre deux secondes dans une interview. Je caricature à peine... Tout cela se trouve souvent compensé par une vraie créativité et un grand soin accordé au titre, sans pression derrière.
Restons chez UbiSoft comme exemple, et voyons ce qu'ils nous ont fait dans ce domaine, à travers trois exemples :

Call of Juarez : Gunslinger. Un FPS à ambiance western, spin off de la série Call of Juarez, dont le troisième épisode (Call of Juarez : The Cartel) s'est fait démolir par tout le monde, de la presse aux joueurs. Un spin off qui montre un vrai amour du western, doté d'une histoire solide, d'un contenu assez sympathique, d'un gameplay à toute épreuve, et d'un vrai sens du rythme, qui en font un jeu qui n'a pas à rougir face aux autres épisodes de la licence, ni même face à l'ensemble des FPS.
Child of Light : Un RPG au système de combat certes honteusement repompé de Grandia, mais une vraie ambiance de conte de fée, un visuel à tomber, des dialogues en rimes, et une musique à vous faire pleurer de bonheur tant elle est magnifique. Le jeu ne révolutionne certes pas du tout le genre, mais il est bien efficace, superbement mené techniquement, et s'offre une réalisation qui ferait passer bon nombre de AAA pour du travail d'amateur tant la direction artistique est harmonisée et parfaite.
Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre : Hommage aux combattants de la Première Guerre Mondiale, même moteur graphique que Child of Light, superbe réalisation et musique (oui, encore), le ridicule de la guerre montré à travers des personnages aux attitudes de cartoon, et un gameplay centré sur les énigmes, à l'ancienne, et parfaitement ciselé.

Que peut-on retirer de ces trois exemples et de la tendance générale des jeux téléchargeables depuis quelques temps ?
En ce qui me concerne, je trouve qu'il se dégage un fait simple : l'édition se scinde en deux éléments bien distincts. D'un côté, les blockbusters AAA destinés à faire les plus grosses ventes, en support physique. De l'autre, les jeux indépendants et les jeux à petit budget de grands studios, uniquement au téléchargement, qui ont nettement moins de pression côté ventes et se trouvent (à mon sens) moins formatés dans le style, plus créatifs et originaux. Si ces deux chemins sont bien séparés, ils sont toutefois indissociables et complémentaires pour les grands studios, les ventes des premiers jeux venant soutenir la mise en chantier des seconds. Il ne faut pas se leurrer : le but premier de l'éditeur est de faire des bénéfices, et c'est bien le AAA qui le lui permettra. Et avec une partie de ces bénéfices, il peut engager de petites équipes sur des jeux moins imposants, plus créatifs, plus originaux. À l'image de ce qui se passe au cinéma, ce sont les bénéfices des blockbusters qui permettent à des films plus petits d'exister malgré un public sans doute plus limité. L'indépendant étant une exception, puisqu'il est indépendant, et n'a tout simplement pas les moyens (ni sans doute l'envie) de se lancer dans du AAA.

Si le public n'est absolument pas prêt à s'engager dans du 100% dématérialisé, comme l'a sans aucun doute prouvé l'échec abyssal de la PSP Go, il semble toutefois que les éditeurs et les constructeurs aient trouvé un équilibre entre le physique et le numérique à travers ce modèle qui semble bien parti pour s'installer. Personnellement, c'est un équilibre que je trouve très sain, autant économiquement qu'artistiquement. L'argent rentre d'un côté, est réutilisé pour en faire rentrer encore, mais aussi pour initier des projets qui sortent des sentiers battus. Et je pense vraiment que c'est là le point de maturité du marché : la diversité du jeu vidéo est finalement plus présente et existante que jamais grâce à ce modèle, et ça ne peut que faire du bien à la créativité des développeurs, qui n'ont plus vraiment à craindre qu'on vienne leur dire que leur jeu est trop risqué et ne se vendra pas. La distribution numérique est tout simplement ce qui va leur permettre de se libérer, que ce soit indépendant ou pas.

Bref, le système économique du jeu vidéo est sans aucun doute en train de muter, et ça me semble être pour le meilleur. En espérant que la créativité ne finisse pas par disparaître au profit de jeux formatés pour être vendus à tout prix, comme souvent...

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