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The Last of Us : Part 2
Editeur : Sony
Développeur : Naughty Dog
Genre : Action | Aventure
Etat du jeu : Jeu disponible
Date de sortie : 19 Juin 2020
Trophées : Oui
Prix de lancement : 59,99 €
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Interview : [Partie 2] Interview de Audrey Sourdive, la voix française de Abby (The Last of Us 2)
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Posté le Jeudi 24 Décembre 2020 à 10:00 par NoBloodyKnows

La seconde partie de notre interview de la voix française de Abby (The Last of Us 2) est là...

 

Interview de  Audrey Sourdive, la voix française de Abby (The Last of Us 2)

 

 

Toujours un peu de spoil, des convictions et un questionnement concernant “les derniers d’entre nous”

 

L’ennui avec une deuxième partie d’une trilogie, c’est qu’elle n’est ni une suite, ni une introduction à part entière. Une forme hybride à la fois essentielle et devant respecter les fondations, tout en étant amenée à façonner le futur. Un rapport immuable et sans équivoque.

Impossible de ne pas penser à l’impact. Et si la cohérence n’était pas de mise ? Et si, après tout, l’ensemble avait été dit dans l'œuvre d’origine, si complète qu'elle ne nécessite aucune itération ? Mince, voilà que le NBK se veut philosophe, avec les moyens du bord entendons-nous, jusqu’à établir le parallèle entre la création et l’interview.

Oui, The Last Of Us se suffit à lui-même. Pourtant, la suite ne sera pas le fruit d’un opportunisme viscéral, voire écoeurant. Pourquoi vous raconter tout cela, amis lecteurs et compagnons de toujours ? 

Car la seconde partie de l’interview d'Audrey Sourdive, c’est quelque chose ! Un changement de cap en quelque sorte, où la barre vire à 180 degrés. Au moins...

Bien sûr, la bonne humeur reste de mise. Aucune remise en cause de l’humour, bien évidemment !

Mais il était temps d’aborder la face cachée du gaming, celle qui est moins glorieuse. Cette difformité qui pousse le vice alors que la création est encore en gestation. Oui, le second épisode narrant les aventures des derniers d’entre nous a subi plusieurs chocs, dont celui de la pensée gangrénée par des réflexions nauséabondes. 

Ce que nous aborderons, sans complexe, avec une comédienne empreinte d’une justesse sans équivoque ! 

Seulement nous diriez-vous ? Absolument pas, puisque nous parlerons aussi de son rapport avec ses personnages, son entourage essentiel à la construction de son travail et de son cri du cœur issu de l’amour de son métier. Un moment incontournable. Et surtout incroyable !

En revanche, afin de ne tromper personne, une nouvelle fois, l’avertissement en ces cieux résonne : cet échange sera empreint de spoilers, à l’instar de son prédécesseur.
Une précision qui évite que nos têtes soient mises à prix ! Ou que la récompense augmente...

 

Audrey Sourdive
Audrey Sourdive

 

“C’est aussi porter un message de tolérance pour plein de choses.”

 

NBK : C’est vraiment dommage ces leaks tombés juste avant la sortie du jeu. En plus, le personnage d'Abby,  c’était la surprise du chef parce que tu ne savais même pas qu’elle était jouable à la base !

A.S: Mais ouais bien sûr !

NBK : Comme tu dis : on te présente une femme sortie de n’importe où, tu ne sais pas qui c’est et c’est vrai que ça va être un personnage central.

D’ailleurs, est-ce que ce n’était pas trop complexe pour toi aussi, parce qu’on se souvient des réactions, voire des mauvaises réactions avons-nous même envie de te dire, par rapport à Abby qui est une protagoniste à la base -même pour beaucoup de gens qui n’ont pas fait le jeu- détestée ?

A.S. Ben écoute moi je trouve en ayant fini le jeu... alors déjà quand j’avais enregistré, j’étais extrêmement heureuse mais quand j’ai fini le jeu : j’ai été heureuse et fière. Parce que je trouve que c’est un personnage comme on en voit rarement. Elle porte une réflexion sur plein de choses. Comme je disais tout à l’heure, tu vois que par exemple, physiquement ce n’est pas une protagoniste habituelle. Le fait qu’elle soit hyper masculine. Qu’elle soit sèche. Qu’elle ait des putains de biceps, quasiment pas de poitrine, qu’on s’attende à ce qu’elle soit complétement lesbienne alors que non : c’est l’héroïne “toute douce” (Ellie, NDLR) qui l’est. Mais on parle quand même d’une typologie qui n’est pas commune et qui perturbe les joueurs mais c’est aussi porter un message de tolérance pour plein de choses. Et ça fait du bien de voir un personnage féminin qui ne correspond aux archétypes vus depuis des années et des années et des années. Et que j’ai aussi aimés et avec lesquels j’ai aimé jouer aussi ! 

On aime avoir des nanas avec de très belles paires de nichons et des gros culs et une taille toute fine. On aime bien ça ! 

Mais je trouve vachement important de montrer aussi d’autres types d’héroïnes qui ne sont pas toutes gentilles, sans la voix toute douce, sans bonnes intentions et sans gros nichons ! 

Je trouve ça bien de voir des personnages qui sont plus rugueux, qui sont plus complexes qui vont te faire te poser beaucoup de questions au niveau de la façon dont ils fonctionnent, de la façon dont ils sont orientés, sexuellement ou pas. Et je trouve que ce personnage, enfin... sachant que Ellie est lesbienne, que Lev est transgenre et que Abby n’est pas physiquement ce que l’on a l’habitude de voir, c’est autant de messages pour la tolérance, pour la communauté LGBT par exemple et j’ai trouvé ça génial. Génial parce que c’est extrêmement moderne d’aborder ces thèmes dans un jeu vidéo, de cette façon avec autant d'amour pour cette différence qui n’en est pas une en fait ! Chacun a sa différence à sa manière !  

Et donc oui j’ai trouvé ça fou qu’il y ait des réactions aussi violentes parce que la comédienne américaine (Laura Bailey,NDLR) a quand même reçu des menaces de mort. Moi en France, pas du tout, j’ai eu des retours au début très violents, enfin très réfractaires, de la part des joueurs qui m’ont ensuite envoyé des messages en disant : “ ben écoute j’ai adoré ce que tu as fait et j’ai adoré le personnage au final”. 

Donc moi j’ai été vachement épargnée mais le fait que ça ait autant choqué, ça permet aussi d’attirer l’attention sur des archétypes débiles, des façons de réfléchir très très très primaires au niveau de la communauté geek. Mais je digresse encore !

 

 

“Je trouve ça intéressant que ça permette d’en parler et de parler de cet extrémisme qui existe dans les jeux vidéo.”

 

NBK : Non, non! Ça nous va très bien la digression! (rires)

A.S : J’ai recommencé! C’est pas vrai ! (rires). Pardon, voilà alors oui ! La violence qu’elle a ressentie parce qu'elle s’est faite harceler.. Tout ça… Euh oui!

Donc j’ai trouvé que ça mettait la lumière sur la connerie que peuvent avoir les instincts primaires de certains joueurs mais aussi qui permet de mettre en lumière le fait que ce sont des thèmes qu’il est important d’aborder ! Je me dis que la polémique veut dire qu’il faut se pencher sur la question donc c’est bien ! Quand tu vois les radicaux extrémistes qui ne veulent pas voir de lesbiennes dans des jeux vidéo, qui ne veulent pas voir ceci, qui ne veulent pas voir cela…

Ben ils s'énervent mais ça permet en tout cas à tout le monde de parler de ce sujet. Donc au final je trouve ça intéressant. 

 

NBK : Oui paradoxalement. Tu as raison ! Nous ne l’avions pas vu sous cet angle ! C’est vrai que nous n’avons pas compris le bashing. On peut être contre le principe voire trouver ça mauvais dans l’idée mais là nous sommes vraiment sur des instincts primaires. C’est finalement le même principe que dans le jeu. Les derniers d’entre nous seront comme ça. Sauf qu’il existe des personnes qui ont de l’avance on dirait…

A.S : Ah bien sûr ! Il y a eu toute cette population qui en même temps a eu un énorme impact sur les sites de jeux vidéo. En quelques jours, des gens ont balancé des milliers de critiques alors qu’ils n’avaient même pas joué au jeu ! Un gros bashing ! Mais en même temps, les gens s’en sont rendus compte car il y a eu des articles dessus. Ça permet de parler de la chose et de dire : “attendez, il faut peut-être faire les choses différemment et on va aussi demander aux joueurs d’avoir fait le jeu, il faut peut-être mettre des modérateurs à ce niveau-là”. Et puis d’aborder ces sujets-là pour en débattre ! Car d’un coup ça met en lumière ces sujets. 

Voilà je trouve ça intéressant que ça permette d’en parler et de parler de cet extrémisme qui existe dans les jeux vidéo. Parce que ce n’est pas toujours évident d’être joueuse dans un univers parfois hyper machiste des gamers. C’est quand même dingue !

 

NBK : C’est vrai que c’est parfois un milieu assez particulier…

A.S : A chaque fois que tu joues...alors moi j’ai fait Warcraft. Pas longtemps car c’est trop chronophage mais le nombre de mecs qui… soit ils essaient de te draguer, soit ils t’envoient chier. Rien que ça, ça permet de parler de la place des femmes et des hommes dans notre société et dans les communautés de gamers. Dans les 2 en fait. C’est un miroir de notre société !

 

NBK : Bien sûr ! On pense aussi que The Last Of Us 2 le fait brillamment et avec une certaine bienveillance parce qu’on ne te dit pas dedans “ah vous avez vu les copains ? Il y a des personnes différentes donc il faut les aimer absolument”. Il y a toutes ces nuances et peut-être qu’il y a un message pour ceux qui auraient l’esprit plus fermé. 

A.S : Évidemment car comme on le disait, ce n’est pas expliqué : c’est ressenti. C’est à toi de faire ta réflexion derrière.

 

NBK : C’est ça. Ce n’est pas un jeu qui nous prend pour des cons. On a même envie de dire que ce n’est pas une œuvre qui nous dit “vous devez penser comme ça parce que les créateurs, c’est nous et c’est comme ça et pas autrement !”. Non là c’est vraiment fait tout en nuance ! Puis tu n’en as jamais fini avec les personnages ! 

Par exemple Abby passe par tellement d’états, que ce soit de la tristesse, que ce soit de la colère, que ce soit des pétages de plomb...elle voit aussi son entourage disparaître…

Donc du coup pour toi, ça n’a pas été éprouvant comme rôle ? Car là vraiment tu passes du tout au tout !

A.S: Mais c’est génial à faire. C’est génial ! Tout d’un coup ne pas faire, alors entre guillemets car c’est aussi sympa, les méchants de base où tu ne connais par leur passé, où tu ne sais pas comment ils sont devenus comme ça. C’est très rigolo, mais là faire un personnage qui a tant de choses à vivre ou à exprimer, moi je trouve ça extraordinaire ! On a un côté maso, nous les comédiens ! On adore faire des personnages tragiques, comme la meuf qui se suicide à la fin de la pièce. On adore faire ça ! (rires).

On adore se mettre dans tous les états alors que le mec qui trimbale sa pancarte ou le hallebardier, ben c’est chiant à faire ! C’est sympa mais pas aussi fort que quand tu fais Mademoiselle Julie (pièce de théâtre écrite par August Strindberg, NDLR) où justement tu te mets dans tous tes états et c’est là où on voit si tu es capable d’incarner ou pas !

Mais j’ai vraiment trouvé ça super ! Franchement c’est un des plus beaux rôles, si ce n’est le plus beau rôle que j’ai fait dans le jeu vidéo. Clairement ! J’ai du mal à laisser passer Kassandra (pour rappel, l’héroïne de Assassin’s Creed Odyssey, NDLR) car ça a été une aventure humaine avec l’équipe avec laquelle je l’ai faite. Qui a été extraordinaire et qui a duré des mois. Donc j’aurai toujours une tendresse particulière pour Kassandra mais le plus beau rôle que j’ai fait, clairement, c'est Abby.

Après il y a des rôles rigolos comme Amara dans Borderlands : je n’ai jamais dit des phrases aussi absurdes de ma vie ! (rires). C’est complètement fou ! Voilà un jeu auquel je n’ai pas joué car c’est à la première personne et moi la première personne...ben ça me fait vomir et il faut absolument que ce soit à la 3ème personne pour que je puisse jouer aux jeux vidéo mais pour enregistrer je me suis éclatée comme une folle ! J’étais morte de rire ! Sur la moitié de mes répliques, morte de rire !

 

Audrey Sourdive
Audrey Sourdive

 

 “Kassandra, c’est ma première fois, mon premier amour. Et Abby, c’est mon grand amour !”


NBK : C’est un univers tellement improbable Borderlands ! C’est bien barré et loin d’être linéaire. Et tu vois, comme quoi tu anticipes vachement bien en fait, car on allait te poser la question “Kassandra ou Abby” mais tu as répondu avec brio !

A.S : Toujours Abby ! Kassandra, on va dire que c’est ma première fois et Abby c’est ma grande histoire d'amour.

Déjà pour Kassandra, même si j’avais travaillé pour le jeu vidéo avant, quand on m’a dit que j’allais passer un essai, j’étais comme une tarée et quand on m’a dit que j’avais eu le rôle, je sautais partout comme une folle ! Je n’avais pas idée du bonheur que ça allait être d’enregistrer pendant des mois et des mois avec la même équipe. Ça m'a formé au jeu vidéo d’une façon extraordinaire et en plus j’ai partagé des moments fous avec mon équipe. Hubert Drac (comédien,  Directeur Artistique de la VF de Assassin’s Creed Odyssey, NDLR) a été extraordinaire et Julien Bardakoff (traducteur émérite, adaptateur de la VF pour Assassin’s Creed Odyssey, NDLR) a été absolument sublime aussi ! J’aime beaucoup son travail et...il a été très important pour moi. Je lui dois beaucoup ! 

Il y a eu plusieurs ingénieurs-son qui ont été d’enfer dont François Navarro, le premier qui a été aussi...d’une tendresse, d’une bienveillance avec moi ! Et c’est rare mais c’est peut-être le seul jeu de ma vie qui va durer aussi longtemps. 

Par exemple, pour The Last Of Us 2, j’ai fait des séances beaucoup plus courtes ! Il n’y en a pas eu autant ! Assassin’s Creed Odyssey, il y en a vraiment eu pour des mois et je sais qu'une semaine avant de me marier, j’étais encore en train d’enregistrer. Et quand je suis revenue de ma lune de miel, j’ai refait des DLC. Et ça c’est extraordinaire car on n’a jamais cette occasion-là.

C’est pour ça et je le redis : Kassandra, c’est ma première fois, mon premier amour. Et Abby, c’est mon grand amour !
 

NBK : Et là, tu as la métaphore parfaite ! C’est joliment dit. Grâce à toi, on va nous dire sur le site “vous êtes sérieux finalement”. Mais on dira que ce n’est pas nous ! (rires). 

Tu parlais aussi de jouer des personnages un peu barrés mais pour Abby, tu as dû vraiment forcer ou il y avait un côté naturel ? Car il y a quand même des scènes particulièrement dures ! De plus, on sent aussi que Abby a dans le jeu une autorité assez naturelle…

A.S : Et c’est quelque chose pour laquelle on m’embauche très souvent ! 


NBK : Ah oui ?

A.S : Complètement ! Je fais très souvent des personnages autoritaires. C’est marrant parce qu’on m’engage soit pour des personnages très féminins avec de la sensualité mais souvent on m’embauche pour un personnage qui a un caractère fort et une potentielle autorité naturelle. Ça ne se voit peut-être pas comme ça ! (rires). C’est peut-être aussi parce que j’ai un certain grain dans la voix ou quelque chose comme ça mais c’est souvent demandé. Donc pour moi, ça représente un travail très naturel. La seule chose est que Jean-Philippe Brière (pour rappel, directeur artistique de la VF pour TLOU 2, NDLR) m’a demandé, notamment lorsque je suis plus jeune, d’éclaircir ma voix mais sinon c’est quelque chose qui ne me pose pas de problème car je bouge souvent de tessitures en fonction des rôles.

Donc pas besoin de forcer quoi que ce soit. Notamment parce que la comédienne en anglais était très naturelle ! 

Souvent dans le jeu vidéo, tu entends une seule fois la phrase puis tu la fais derrière. Si en anglais elle te fait : (onomatopées impossibles à traduire mais vifs en anglais !), ben tu fais : (onomatopées impossibles à traduire...mais en français et avec la même tonalité !). Si l’original est en mode bourrin ben tu y vas en mode bourrin et en plus comme tu n’as pas le contexte...tu peux être en mode bourrin en étant à côté !

C’est ça la différence car là tu es dans un mode hyper naturel, tu as le contexte, tu as ton directeur artistique...c’est pour ça que pour moi, ça représente le travail le plus sensible, le plus précis et le plus naturel que j’ai pu faire dans le jeu vidéo.

 

NBK : A ce point-là ?

A.S : Ah ouais ! Parce qu'au niveau du jeu des comédiens des personnages à la base, c’est hyper naturaliste ! 

Dans Assassin’s Creed par exemple, ils ont tous un accent grec à la base et je peux vous dire que quand tu entends l’original, ce n’est pas un truc naturel à la base, dans la conception. Donc dans le rendu on te dit : “sois une warrior ! Porte-le comme ça et vas-y”. Tu ne vas pas être dans quelque chose plus relâché, plus “subtil”. Enfin ça peut l’être mais ce sera sûrement moins subtil et naturel que The Last Of Us 2.

 

 

Et quand nous avons de bonnes conditions (...) on a des résultats excellents !

 

NBK : Et c’est marrant car pour le même travail, il y a des process complètement différents. C’est vrai que quand nous ne sommes pas de l’autre côté du décor, on ne s’imagine pas ça. Nous voyons, naïvement, toute une équipe qui joue en même temps. Alors que nous savons pertinemment que ce n’est pas ça !

A.S : C’est vraiment un métier de l'ombre, le doublage ! Il y a plein de gens qui ne connaissent pas. Ils ne savent pas comment c’est fait et par exemple, je pense que la plupart des gens ou des gamers qui ont tendance à énormément critiquer les VF ne connaissent pas les conditions dans lesquelles on enregistre. Ils ne connaissent pas forcément les coulisses du métier car...ben déjà, on n’a pas le droit d’en parler jusqu’à ce que le jeu sorte, donc ça limite vachement les fuites. Mais aussi, ce n’est pas un métier sur lequel on met la lumière.

Donc pas mal de joueurs vont toujours préférer l’original. Et c’est vrai que parfois, ce sont les doubleurs originaux qui ont fait la motion-capture. Tout est différent ! Ce n’est pas non plus le même temps d’enregistrement ni les mêmes conditions. Et ça, les gens ne le savent pas. 

D’ailleurs quand j’ai commencé à faire du jeu vidéo, je me souviens très bien qu’il y avait un directeur artistique qui m’avait dit “tu ne te rends pas compte comment il est frustrant ce métier !” Parce que ce sont des mois de notre vie, alors que le doublage de film prend...on va dire 10 jours ! Une série, ça peut prendre quelques semaines, et le jeu vidéo prend beaucoup plus de temps pour faire les personnages. Il me disait donc : “ça nous prend des mois de notre vie et 8 fois sur 10, la VF se fait démonter illico par le joueur et de façon hyper violente sur les réseaux sociaux”.

Et c’est vrai que c’est extrêmement frustrant car on y met tout notre petit coeur, on a des conditions parfois dramatiques pour bosser mais putain ! La reconnaissance est très compliquée à obtenir. Là, ce que j’ai vu sur la VF de The Last Of Us est très encourageant. Ça donne plutôt l’impression que les gens ont bien aimé.

 

NBK : Ah oui, oui, oui, oui, oui ! (et ainsi de suite !). C’est une VF de haut-vol, il n’y a même pas de sujet ! Après concernant ce que tu dis sur les VF, nous avons la chance d’en avoir de plus en plus “impliquées” car c’est vrai que… quand tu regardes le début des années 90 par exemple, c’était vraiment autre chose !

A.S : Oui et c’est vrai qu’on en avait parlé mais pour le jeu A Plague Tale, avec les créateurs français d’origine (Asobo Studio, NDLR), c’est complètement ouf dans les doublages !

 

NBK : Ah mais totalement ! D’ailleurs pour la petite histoire, nous avions pu le voir et avoir David Dedeine en interview (co-fondateur du studio, NDLR). Et on discutait avec lui sur le fait qu’en avant-première, lorsque nous avions pu prendre le jeu entre nos mains, il était automatiquement en anglais. Et nous avons été incités à le faire en français. D’ailleurs la différence de conception était incroyable, au sens où le doublage anglais était fait par des professionnels mais, par exemple, une dame d’un certain âge double une adolescente. A l’inverse, pour la VF, pour chaque personnage ils avaient pris un comédien de doublage de l’âge équivalent. Un sacré delta entre les 2 versions. C’est pour ça que pour A Plague Tale, nous considérons que la VO… c’est la VF ! Le travail sur les doublages extraordinaire et la chance d’avoir Monsieur Olivier Derivière pour les compositions font de A Plague Tale une énorme claque ! 

A.S : C’est pour ça que quand le truc est créé avec les voix d’origine, on pourrait avoir tendance à faire un meilleur boulot car...ça change tout ! C’est pour ça que, entre guillemets, il faut avoir un peu de tendresse pour les VF qui passent après les VO car les conditions ne sont pas les mêmes. Et quand nous avons de bonnes conditions, comme The Last Of Us 2 ou, comme on le disait, A Plague Tale, ou comme God of War, on a des résultats excellents !

 

NBK : Oui et puis tu avais raison quand nous en avions parlé au téléphone avant cette interview : tu as du pro-VO. D’ailleurs nous à la base avons tendance à faire les jeux en VO et ça nous a ouvert l’esprit à donner la chance aux VF. 

A.S: C’est vrai ? Ah tant mieux !

 

Audrey Sourdive
Audrey Sourdive

 

“Moi je sais que tous les jeux par contre je les bascule en VF.”

 

NBK : C’est surtout qu’à la base, nous ne cherchons pas à critiquer la VF, c’est juste que nous nous disions “la VF, on s’en fout !”.

A.S : C’est comme, honnêtement, quand je regarde les séries et les films, en tant que comédienne de doublage, c’est paradoxal. Car j’ai été élevée toute ma vie avec la VO sous-titrée ! Depuis que je suis gamine, depuis que je sais lire, je suis passée à la VO sous-titrée. Et pendant des années, je n’écoutais pas les VF. Ça me faisait chier la VF ! La seule fois où j'ai écouté en français, c’était quand je matais un film à la télé car il n’y avait pas le choix.   

Mais en bossant là-dedans, ce que je fais comme sur des plateformes comme Netflix, tu peux switcher d’une langue à l’autre. Et je sais que c’est une déformation professionnelle mais quand il y a des scènes que j’aime beaucoup avec des personnages vachement compliqués, de temps en temps je switche de la VO à la VF pour réécouter la scène et voir le travail qui a été fait. Et quand il y des gens que je connais et qui me disent : “j’ai joué dans tel film”, je vais essayer de l’écouter en français et voir ce que ça rend. Et là tout d’un coup, j’ai un “oeil” critique qui se développe et je trouve ça intéressant. 

Mais en vrai, jusqu’à...on va dire 4 ans en arrière, je n’écoutais jamais en VF ! Donc je comprends très bien votre attitude initiale par rapport aux VO pour les jeux vidéo. C’est la même chose ! C’est qu’il y a plein de joueurs qui n’ont pas besoin de la VF parce qu’ils s’éclatent avec la VO ! 

Moi je sais que tous les jeux par contre je les bascule en VF. Parce que le sous-titre distrait mon oeil quand je joue. Alors que ça ne me gêne pas du tout dans les films ! 

 

NBK : Oui c’est vrai. Surtout dans les jeux où ça bourre un petit peu, tu te dis “je vais essayer de le comprendre à l’oreille”. Mais aujourd’hui pour nous, c’est un rapport qui a changé. Après il y a aussi, on pense, les qualités de traduction. Combien de VF se sont cassées la tronche parce que la traduction est déplorable, ce qui donne un rendu dégueulasse...

Mais du coup tu as fait 2 heureux avec la VF ! En plus c’est une grande victoire car ça partait de loin ! Et effectivement, c’est quelque chose qu’il faut mettre en avant. En ce sens, lorsque nous serons en mode testing, nous essaierons de passer plus de temps à parler de la VF.

A.S : Ah bah c’est cool ! Tant mieux, ça fera plaisir à toutes les équipes qui travaillent dessus pendant des mois, voire des années…

 

NBK : Et tu vois, clairement, c’était un point sur lequel nous ne réfléchissions même pas et sur lequel il faut s’appuyer ! 

Et d’ailleurs, quels sont les studios de doublage pour lesquels tu bosses ?

A.S : Il y a La Marque Rose et Dune Sound avec qui j’ai fait à la fois The Last Of Us et Assassin’s Creed.

 

NBK : D’ailleurs la barre était déjà assez haute, avec Uncharted par exemple !

A.S : Ah oui c’était génial ! La VF était top ! Mon premier grand amour de VF ! J’ai adoré. Et quelques personnages de la série des jeux Batman...j’ai aussi adoré !

 

NBK : Tu sens effectivement que sur les Batman également, tous les comédiens sont impliqués. Tu vois comme quoi on en connaît un peu des VF ! (rires). Et une piqûre de rappel, c’est important de temps à autre…

Ce fut notre fin ouverte. Notre cliffhanger un peu filou, sachant que nous connaissons l’aboutissement. Mais il était hors de question de tout livrer, tant la ligne d’arrivée des échanges amène une conclusion parfaite. Avec cette petite pointe d’amertume qui nous pousse à en demander plus. Encore. Et encore. Puis encore !

Qu’importe ! L’heure sera aux retrouvailles finales, afin d'apposer ce point final qui se montre aussi cruel qu’indispensable.

Un peu comme si nous ne voulions pas quitter un univers vu sous un autre angle. Celui qui remet en question tant de clichés malhabiles, rétablissant la lumière sur les ténèbres de l’inconnu. Encore une fois, la divagation nous guette…

Néanmoins : encore un peu de patience camarades ! L’année 2020, si singulière, sera conclue en beauté sur PSMag avec la 3ème et ultime partie de l’interview d’Audrey Sourdive.

L’occasion, enfin, de remercier l’ensemble des protagonistes qui nous ont permis de partager ce moment avec vous...

 

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