Chronique : Le coup du spectacle : Streets of Rage
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Posté le Vendredi 07 Juin 2019 à 11:41 par NoBloodyKnows

CHRONIQUE

En ce milieu d’année 2019, place aux chroniques! Et pour le No Bloody Knows, il est l’heure de vous parler du genre de prédilection du duo: Le Beat Them Up (ou Beat’em Up, ou encore BTU). Une catégorie incontournable dont nous vous donnons l’appellation d’origine, désormais tronquée par le qualificatif “Beat’em All” certes plus pratique mais moins authentique.

Partant de ce constat, nul besoin de se faire une leçon assommante et inadaptée: sans chercher une chronologie particulière en passant d’un âge à un autre, le NBK vous emmènera dans sa folie incarnée par le style, avec quelques mises en contexte et anecdotes croustillantes histoire de polir les contours de notre catégorie favorite.

Régulièrement accompagné du vétéran Doc Tyler, auteur de la chaîne Youtube Nostalgeek dont le nom permet l’omission de l’explication, vos 2 serviteurs tâcheront tous les mois de vous abreuver de titres mythiques, audacieux, immanquables... voire même parfois ratés! Tout pour le Beat, rien pour le reste. 80’s, 90’s, 00’s, l’enjeu est de taille. Sélectionnons nos avatars, lissons les paramètres et allons-y ensemble...

C’est sur PSMag que ça se passe!

 

Pour mieux comprendre le sens d’un genre, un détour dans les dédales de ses débuts est indispensable. Bien que nous en soyons de très grands apôtres, l’évidence de notre époque est sans appel: le Beat Them Up (BTU), à de très rares exceptions, se dilue de plus en plus pour coller à l’action saupoudrée d’exploration. Sans même évoquer les aspects RPG pour éviter de trop longues palabres.

Oui certains font de la résistance (nous pensons immédiatement au fantasque fantastique Devil May Cry V ou au futur Bayonetta 3) mais la règle générée redéfinit le schéma classique tout droit sorti des années dorées de l’arcade. Notre refus du passéisme édulcoré et générateur de raccourcis peu habiles vous épargnera le jugement hâtif et la prise de position facile. Il faut aussi préciser que l’avènement de la 3D a remué les lignes, quitte à imposer des casses assez étourdissantes et si quelques productions adaptent les codes d’antan, comme God Hand issu du maître Mikami, les sensations sont modifiées pour mieux correspondre aux standards du moment.

 

Pourtant certaines habitudes s’accrochent, comme le découpage en niveaux et les boss qui les terminent. A l’image du regain d’énergie, le swap color ou le scoring. Sentinelles d’une colonie tellement imposante…

Des bases immuables et indispensables. Cependant, vous savez aussi bien que nous que rien n’existe par pur hasard ou sorcellerie: le BTU fut un genre-roi, propice à une guerre rageuse entre éditeurs et constructeurs.

Et ce préambule ne sera pas vain: notre sujet du jour est un cas d’école à bien des égards. Streets of Rage, de son nom initial Bare Knuckle pour nos amis du Soleil-Levant, est une plaque tournante. Un de ces jeux qui sans être le baron se révèle être l’incontournable. Le fondateur posant sa pierre à l’édifice pharaonique de ce qui se révélera une trilogie tantôt inspirée, tantôt contestable, toujours mythique. Jusqu’à son sommeil profond...avant l’annonce d’un 4ème opus, bien des années après, destiné à nous faire redescendre dans les rues infestées de loubards. On vous évoquerait bien l’adaptation extraordinaire couvée par des fans, trublions de l’ordre établi, mais la censure a frappé fort. Voilà pourquoi le prochain épisode n’aura aucun droit ni avocat en cas d’échec.

Mais notre attention est ailleurs…

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Un choix de 3 personnages...vous avez dit Final Fight-Arcade?

Skills in Streets

Commençons par la genèse: la bataille des années 90 n’est pas que vidéoludique. Nintendo et SEGA se rendent les politesses à coup de hits destinés à faire plier le rival. Personne n’y parvient.

Mais les stratèges de la firme du plombier ont plus d’une frappe dans leur sac. 1990 voit naître le portage du BTU arcade Final Fight, avorton de Street Fighter, sur Super NES. Du Beat comme il faut qui renvoie le classique Double Dragon au sous-sol. Capcom en pleine forme, du killer-app haut de gamme. Beau, maniable et inspiré. Des coupes sont effectives, mais le tour de force est louable. De quoi faire chavirer le clan du hérisson? Ce serait mal juger la maison…

 

Le temps des saisines de 1991 et la Mega Drive/Genesis dégaine*: Streets of Rage pointe le bout de sa batte pour démolir le décor vidéoludique. Une révolution du genre? Sur le fond, absolument pas. La Team Shinobi, atout imparable de SEGA, respecte le code. Un découpage en niveaux (8 pour être exact), des mobs pour se chauffer puis des boss qui deviendront des demis, quelques phases où la chute est mortelle. Mais à l’instar de son concurrent capcomien, SoR évite le piège de la plateforme abusive et inutile, grande faiblesse reprochée au maître contestable Double Dragon 2, peu adroit sur ces séquences.

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L’allonge d’Adam dans les dents!

Avant de développer ses mécaniques, le devoir est de détailler en quoi le soft dégage une aura unique, cible de suprématie.

 

Yuzo Koshiro.

 

Si ce nom  ne vous dit rien, arrêtez tout et foncez découvrir le bonhomme. Compositeur de la trilogie Streets of Rage, il est accrédité de participations pour Shinobi, Etrian Odyssey ou encore Shenmue. Rien que ça. Imaginons l’étendue de la performance: La Mega Drive n’est pas réputée pour la qualité de ses musiques en dépit de son potentiel incroyable permettant la diversité des folies et arrangements. Le sieur l’a compris. Mieux, il l’a sublimée au point de jouer avec les usages, délaissant la rock-attitude au profit d’un son électro-jazzy du meilleur effet.

Trop peut-être, car l’accueil de l’OST au Japon sera tiède à ses débuts. Les choses progresseront, et l’Occident saluera l’audace. Calquées sur l’action, évoluant au fil des niveaux, les pistes surprennent au point de se tenir la dragée haute. On notera un “victory fanfare” (notre nostalgie “made in square”) du plus bel effet, et des airs de stage tous entêtants et inoubliables qu’on retrouve avec plaisir à chaque enchaînement de run. Un travail si conséquent que le nom du musicien est illuminé dès l’écran-titre: une anomalie est détectée dans le média tout en ayant une légitimité absolue. Alors forcément, nous sommes tous adeptes de la prière lorsqu’il s’agit d’évoquer la présence de l’artiste pour le 4ème opus…

Le jeu vidéo se révèle également bien farceur: une bande originale sans les bruitages harmonieux est un ersatz de réussite. Chanceux nous sommes, les souverains du son nous ont entendu: pralines, cris, chutes...tout est minimaliste et efficace au possible. Et surtout crédible! On sent chaque impact et lourdeur de frappe, faisant de nous d’horribles sadiques lorsqu’il s’agit d’infliger coup de boule ou de coude en pleine poire, sans effusion de sang néanmoins. La collision suffit et le jeu ne cherche en aucun cas à distribuer la violence par le gore, mais bien plus par la sensation. Le sound-design en est un vecteur majeur. Il va sans dire que sans tout cet habillage sonore, l’expérience serait tronquée, échappant au bénéfice de la Légende. Il n’en est rien, Streets of Rage est encore à ce jour intouchable et immortel.

L’avis de Doc Tyler:
Yuzo Koshiro, le John Williams du jeu vidéo!

 

Outre les superbes musiques de la trilogie Streets of Rage, Yuzo Koshiro a effectué des compositions pour Revenge of Shinobi et The Story of Thor pour la Mega Drive, Actraiser pour sa concurrente directe et plus étonnamment pour les versions Game Gear et Master System de Sonic. Entre autres...excusez du peu!
Plus récemment, il a travaillé sur des jeux tels que Kid Icarus (3DS) et a participé à la BO de Super Smash Bros.
Et ce n'est que le sommet de l'iceberg...

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Le compositeur crédité en premier. Rare et pertinent!

 

When the streets have no rage

“Oui enfin vous êtes marrants vous le trio infernal, ce qu’on veut c’est du gameplay!”. Vous avez 1000 fois raison camarades contestataires: c’est exactement ce que le soft a à nous offrir. Généreux à foison, il n’est passablement pas aussi élaboré que sa suite directe, bien plus exponentielle. Mais les bases sont posées. 3 choix d’avatars pour 3 styles distincts. Attention, n’allez pas croire que la jouabilité est différente pour Adam, Axel et Blaze, nos 3 héros ex-flics, bien décidés à résoudre la guerre des gangs en bottant les fesses des malfrats. Oui la finesse et la négociation ne sont pas de rigueur, mais le BTU s’en remettra!

Ainsi, chaque personnage partira avec ses avantages et inconvénients. Vous êtes de la caste des rapides? Enfilez votre robe rouge et optez pour Blaze. Lent à longue portée? Vous êtes Adam. Entre les 2? Un jean et une passion pour le jeu vidéo (allez donc voir sa fiche descriptive!) et soyez dans la peau d’Axel. L’avantage? Pas de cheat entre les personnages, tous équilibrés et réglés selon une précision que ne renierait pas le plus talentueux des orfèvres. A vous de vous déterminer en tant que gamer. Streets of Rage vous laisse la marge nécessaire. Impossible d’accuser le jeu, la victoire ne dépend que de votre style et votre capacité à appréhender vos ennemis. Sachez cependant que la maniabilité sera la même pour tous.

Chope, coup sauté, frappe directe...la palette est généreuse pour son époque, permettant les tartasses spéciales associatives. Car oui, mais avons nous besoin de le préciser, Streets of Rage se déguste bien mieux en duo. La belle époque où le multi en ligne n’était même pas au stade du fantasme, et où votre connexion était matérialisée par un canapé, des chips et des bières bon marché. A vous de choisir votre manière de faire, rien ne vous est imposé. Même si vous vous rendrez vite compte qu’un certain timing vous permet de casser des animations, bloquant toute attaque possible. Pour cela, vous devrez relancer une partie et encore une autre. Pour l’apprentissage et la maîtrise. Finir le jeu est une chose. Le dompter en est une autre...car vos adversaires n’iront pas par 4 chemins! Coup de pouce des dév’, l’attaque spéciale anéantissant vos adversaires est aussi dévastatrice qu’utile. Apprenez à ne pas en abuser, le stage final ne saurait que trop vous remettre les idées en place...

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Une sacrée Boum!

Sans aucune faute de goût (nous réitérons; AUCUNE faute de goût), le soft transpire de tous ses pores de mobs clichés ancrés dans les 80’s/90’s, des femmes au fouet aux clowns jongleurs en passant par les punks aux couleurs criardes, tous aussi léchés les uns que les autres. Oui, on nous ressert la soupe au fur et à mesure des niveaux en changeant juste quelques couleurs et en augmentant la résistance sans modifier les patterns. Est-ce un mal si le rythme est respecté? Fier, Streets of Rage se prive d’une barre des ennemis en faisant le choix du code. Naturellement, nous comprenons peu à peu que le rockeur le plus faible s’habille en bleu, puis en vert. Et en rouge, sa puissance est décuplée! A vous de trier lorsque tout sera mélangé, et nous y voyons une forme de respect faisant appel à notre mémoire sans pousser à une réflexion prétentieuse.

 

 

L’analyse de Doc Tyler:
Vous avez le droit de garder le silence... pour toujours!

 

"Une riposte adaptée à la menace" n’est pas vraiment un des crédos de la police dans Streets of Rage: vos renforts sortiront carrément le bazooka avec un mouvement de caméra du plus bel effet .
L'attaque est visuellement différente selon le player qui la lance et s’avère diablement efficace contre les boss et les ennemis trop nombreux. Elle reste toutefois limitée à une utilisation par vie.
Vos ex-collègues vous abandonneront cependant lâchement lorsque vous approcherez trop du parrain local lors du dernier stage...

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Une police qui n’hésite pas à déployer de grands moyens!

Let’s Streets again

 

Let’s Streets again

Artistiquement, le visuel est sublime. Inférieur à la seconde itération, qui évolue dans une autre dimension, mais mythique tout de même. L’environnement est à lui seul un personnage, symbole du temps qui passe et de l’oppression de la ville. Chiadée, la colorimétrie ne se trompe jamais en faisant place à une diversité surprenante et cohérente. Le métro ou encore les égouts sont absents pour nous laisser évoluer sur la plage ou à bord d’un ascenseur. D’accord, on se tapera l’usine aux tapis roulants et aux presses meurtrières: toutefois, les pièges sont aussi un repli stratégique pour défoncer les mobs. Comme quoi la Justice n’oublie personne!

Les puristes élitistes reprocheront aussi une déconcertante facilité du soft. En ce sens, il est à noter que la team Shinobi redéfinit le sens de l’arcade: finir le jeu, c’est bien. Mais le terminer après avoir augmenté le level de difficulté, en augmentant ses points (ah, le scoring!) sans perdre ne serait-ce qu’un “continue” est une autre paire de manches. Excessivement court , Streets of Rage est pensé pour la replay-value. Ce soft qu’on fait encore et encore, pour aller toujours plus loin jusqu’à en faire le run parfait. Essayez donc de vous fixer l’objectif de ne pas en prendre une seule dans la gamelle: aussi grisant que le speedrun, à une autre échelle.

Cependant, les boss ne l'entendent pas de cette oreille. Aucun ne ressemble à l’autre, et ils vous donneront du fil à retordre à moins que vous ne trouviez la parade pour les empêcher de s’exprimer...à vous d’observer, vous extraire, contrer, cogner et...les immobiliser. Chaque affrontement ne trouvera pas son double, excepté lors des retrouvailles. Disposant d’un chara-design de feu et de movesets calibrés avec finesse pour le gameplay, certains d’entre eux prétendent sans bavure au sacre des Grands. Non pas par leur difficulté, mais par l’intelligence de leur conception. L’art de l’ajustement, sans aucun doute.

Charge aux joueurs d’anticiper les accrochages en amont, par le biais du “fast-food” au sol ou par les armes destinées à accélérer l’acheminement vers l’au-delà des antagonistes. Quel plaisir de casser une boutanche pour la transformer en tesson agressif, coller une rafale de tuyauterie ou encore lancer un couteau après plusieurs piqûres de rappel! L’ensemble magnifié par des animations à tomber au même titre que les actions de base.

 

 

L’anecdote de Doc Tyler:
Sega, c'est pas toujours plus fort que toi!


La facilité du premier opus lui fut reprochée: le mythique magazine Player One le nota même assez durement en conséquence.
Ce reproche était sans doute justifié en raison du prix des cartouches à l'époque mais aussi et surtout parce que le beat'em up était un genre directement issu de l’arcade, où la difficulté était intense.

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Ce qui s’appelle “prendre de la bouteille”!

 

And nothing rage matters

Tester le soft en 2019 a ce petit goût spécial: de ses propres inspirations ont émergé des fondations solides. Chaque Beat en 2D sera comparé aux Rois que sont Streets of Rage et Final Fight, mettant en ébullition chaque partisan. Ici notre camp est choisi, tout en respectant l’adversaire. Et si revoir Guy et Cody dans un twist aussi bien amené nous a fracassé la tronche, le fait de retrouver prochainement Axel et Blaze au milieu d’un casting qui s’annonce imposant nous colle un uppercut à nous claquer la tête au milieu des étoiles.

Que d’appropriations possibles et surtout, surtout...cette vision de la transition 80’s/90’s revue et corrigée par les années 2000. L’espoir d’une ode à la liberté soignée et décomplexée, loin des censures absurdes subies par la bienséance itinérante. Nous voulons voir des punks, des rappeurs, des dominatrices, des gérants de bar, des costauds, des types aux idées noires nous illuminer de leur présence. Pour prouver que notre culture qui suinte la rue et les bas-fonds est encore en vie, résistante face à l’anesthésie d’un art trop lisse et conforme à une éthique qui n’existe que dans les têtes de ceux qui la conçoivent.

Retrouvons les stéréotypes qui intègrent bien plus que les stupides qui jouent le jeu de la division, fracassons nous allègrement le visage, prêts à se relever en insultant nos adversaires. Faisons confiance à notre compère qui nous couvre lorsque notre skill est en berne, acceptons que le point ne nous sera pas attribué cette fois. Faisons souffrir nos manettes par la répétition effrénée des mouvements de nos pouces, accusons notre partenaire de notre défaite. Félicitons-le par la suite, respirons, attendons avec impatience, excitons nous avec anxiété devant le boss du stage suivant. Espérons. Prenons des tatanes. Entraidons nous.

C’est ce qu’il nous reste au milieu de la violence.

Vous êtes la Pop-Culture.

 

 

La conclusion de Doc Tyler:

Alors oui Streets of Rage 2 reste objectivement le meilleur épisode de la saga mais le premier garde un charme fou et des spécificités qui le rendent inoubliable.
Et quel plus beau compliment pour le second opus que d’admettre que même si la surprise est passée il reste un méga-hit?
Streets of Rage est une de ces perles qui a su marquer la ludothèque d’une machine et le genre auquel il appartient. Un must-have incontournable aux côtés de Final Fight et autres Sengoku 2!

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Toute ressemblance ne serait que fortuite...


*Nous omettons les diverses conversions, dont celle de la Master System chérie et réussie quoique un peu plus difficile, pour rester dans le vif du sujet. Le jeu est également disponible sur nos PS4 par le biais de la compilation Sega Mega Drive Classics!

Le coup du Spectacle: Streets of Rage. Une chronique proposée par:

Le No Bloody Knows (Miss Too Quest, “la propreté de la rue, j’en fais mon affaire!” et Rats Goin’On, l’homme qui volait 3 pillards) ainsi que Doc Tyler (qui serait lui-même devenu policier si on autorisait le bazooka!).

 

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