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Tester un jeu hybride suite/reboot d’une saga qu’on pensait enterrée et destinée aux oubliettes depuis belle lurette est un exercice de style délicat. Tiraillés entre douce nostalgie et posture actuelle, à nous de rester objectifs tant les codes du jeu-vidéo ont évolué. Et confondre vieillot et rétro serait une terrible méprise.
ToeJam & Earl, pour beaucoup de membres de l’underground ou tout simplement pour une catégorie des plus vieux d’entre nous, c’est sacré. Sans vouloir jouer aux vieux briscards, il va sans dire que ce nom parlera aux adeptes de la MegaDrive, console de l’ex-constructeur SEGA. Au point de pouvoir revendiquer la légitimité d’être la mascotte de la marque pour quelques-uns, insuffisant pour en détrôner le vainqueur (dont on craint l’adaptation cinématographique).
Grosse surprise en 1991, la première itération de ce qui est désormais une quadrilogie met en scène les 2 aliens les plus déjantés de l’univers drogués au Hip-Hop, Funk et Pop-Culture. Leur but? Récupérer les pièces de leur vaisseau écrasé sur notre bonne vieille Terre en esquivant les “autochtones” (oui nous parlons des Humains) tous plus tarés les uns que les autres. Une suite correcte 2 années plus tard, un 3ème épisode à la peine sur Xbox en 2002 (2003 en Europe) et voilà que 16 printemps ont fleuri pour voir débarquer ToeJam & Earl: Back in the Groove sur nos PS4.
Après un premier come-back manqué, le succès du beat initial est-il encore dans le rythme?
Renegades of Funk
Et pour réveiller une licence de son sommeil profond, quoi de mieux que de reprendre son créateur? Par le biais sa nouvelle maison, HumaNature Studios, le concepteur Greg Johnson est de retour sur le devant de la scène. Rassurant quant au respect apporté à l’oeuvre. Et clairement, le sieur n’a pas le droit à l’erreur auprès des aficionados puisque le soft est issu du financement participatif Kickstarter. Si ce dernier en théorie se révèle intéressant avec son système de paliers, force est de reconnaître que des immondices en sont parfois ressorties, à l’origine de notre méfiance parfois peut-être légèrement abusive.
Néanmoins avec Macaulay Culkin (qui a tellement poussé depuis Maman, j’ai raté l’avion) en qualité de producteur exécutif, tout devrait bien se passer, non?
Après nous avoir mis dans le contexte avec une intro délicieusement 90’s, on peut dire que nous sommes au moins rassurés sur un point: l’humour barré est toujours aussi présent avec des doublages parfaitement dans l’esprit. Et suite à une erreur de manip’, dont le gag est facile mais efficace, voilà nos aliens contraints de traverser des niveaux pour récupérer les 10 pièces de leur vaisseau en esquivant les Terriens...entre autres. “Oui vous nous l’avez déjà dit”. C’est exact, mais cela vous prouve à quel point le titre de 2019 est similaire avec celui de 1991 en y ajoutant quelques touches de subtilité.
Attention derrière vous c'est affreux !
Simple et Funky
Concrètement il s’agira d’évoluer seul, avec un(e) ami(e) ou jusqu’à 4 en multi sur une carte en vue isométrique à découvrir après avoir préalablement choisi celui que vous voulez incarner. 6 au départ, ils ont tous des statistiques différentes, allant de la vitesse jusqu’à la capacité de l’inventaire en passant par la chance. On pardonnera de fait aisément que 2 des choix soient nos 2 héros principaux en mode rétro au sens où les caractéristiques varient aussi avec le skin. Sachant que 3 autres personnages seront déblocables au fil de l’aventure sous certaines conditions, le roster s’avère suffisant pour varier les plaisirs..
Vos armes? Aucune. Si les niveaux sont remplis à craquer d’ennemis, il s’agira pour vous de les éviter pour trouver une partie de votre vaisseau puis de découvrir l’ascenseur pour accéder à l’étage suivant, et cela jusqu’à ce que votre moyen de transport soit complet. Car vous vous doutez bien que ToeJam and Earl ne place pas un bout de ferraille à chaque tableau. Si tel est le cas, cela vous sera indiqué par une icône. Sinon, à vous de trouver de suite l’ascenseur pour vous enfuir.
Simple dans son concept, le jeu manque d’agilité pour nous le présenter. Avouons-le tout net: si vous ne connaissez pas le genre, les débuts seront hésitants car le jeu n’est pas clair dans ses mécaniques.
C’est en ce sens que vous allez passer par un didacticiel, barbant mais indispensable pour tout comprendre. Composé de 10 niveaux seulement pour trouver de suite les 10 éléments de votre bateau volant, vous saisirez peu à peu ce qu’il faut faire pour déjouer les pièges, basiques dans ce mode de difficulté, déments par la suite.
Run, boy, run
Nous vous le disions auparavant: ToeJam & Earl est un jeu où on progresse en esquivant l’adversaire. Alors oui, certains mobs de la carte ne vous sont pas hostiles, comme la carotte des stats ou encore la guerrière viking bien utile moyennant finance mais la plupart sont là pour vous ralentir, vous faire tomber, vous piétiner ou vous rouler dessus pour consommer votre part de vie ou vider votre inventaire rempli de cadeaux.
Ceux-ci sont parfois initiaux dans votre besace mais il faudra en trouver encore et encore pour essayer de survivre dans ce monde de fous qui est le nôtre. Relativement dispensables en didacticiel, vous comprendrez vite leur intérêt dans le mode normal où les derniers instants sont blindés d'hurluberlus de tout poil prêts à vous sauter dessus. Sachant que la plupart sont bien plus rapides que votre avatar, il est vital de les utiliser à bon escient pour implanter un leurre, gagner des terribles tomates terrassant vos adversaires ou encore obtenir des ressorts pour effectuer de grands sauts.Mais attention! Les cadeaux ont souvent un effet inconnu, même si vous apprendrez à les reconnaître et/ou qu’un perso bien spécifique vous les identifie. Parfois bonus, parfois malus, ce sera à vous de vous adapter selon les effets produits. Cela laisse une grand place pour l’impro, parce qu’une fois passées les aventures du mode “fixe”, il est temps de commencer le mode “aléatoire”, empreint de rogue-lite. Là où le vrai jeu commence.
Vas-y funky, c’est bon
ToeJam & Earl mise beaucoup sur cet élément pour surprendre le joueur et l’inviter à se replonger dans l’expédition. Les décors changent, tout comme la place des items et des adversaires, à l’aggro parfois féroce. A l’ancienne, toute mort sera définitive effaçant vos sauvegardes automatiques sans aucune autre forme de procès. Sans parler de la possibilité de chuter d’un étage à un autre en cas de mauvaise rencontre (quand ce n’est pas 2 ou 3….).
C’est finalement ce que l’on recherche et à nous de faire attention pour maintenir nos personnages en vie. Le jeu est suffisamment lisible et même si nos rappeurs E.T ont la fâcheuse tendance à avaler tout ce qui bouge, notre tâche est de les préserver pour qu’ils évitent de gober ce fromage nauséabond en évitant le Man in Black, de retour en grande forme.
Cependant tout n’est pas aussi coloré que les graphismes. A la longue, on se dit qu’on a vite fait le tour de la question et qu’une fois les choses bien intégrées, aucune autre difficulté ne viendra nous barrer la route. Une fois patterns, pièges et autre filouteries assimilés, on se surprendra à s’ennuyer fermement en dépit des efforts du titre.
Et ce malgré les bruitages.Très loufoques, on leur reprochera d’être agaçants à la longue. Entendre “boing boing” de manière répétée est peut-être hilarant les 15 premières fois, mais au bout d’un moment cela devient terriblement lassant et énervant. Sans parler du mix sonore entre les bonus qui pour le coup nous renvoie bien en arrière en matière de sound-design.
Autre facteur de déception: l’OST. Si celle-ci est dans le ton, le nombre de pistes est bien trop faible pour nous accrocher totalement, ce qui est évidemment dommageable surtout quand on voit le délire procuré lors de la séquence de fin. Monnaie courante il y a quelques années, cela ne peut faire jurisprudence pour laver tout défaut.
De la même manière, le jeu en solo est peu recommandé. Vous seriez bien plus inspirés de vous essayer au multi. A l’heure de l’écriture de nos lignes, nous avons toujours trouvé des joueurs, essentiellement Étasuniens, pour nous accompagner. Quelques soucis de déconnexions, parfois forcées par l’hôte en colère après une énième chute, mais rien de bien méchant. Cela tient la route et jouer parfois à 4 procure cette petite touche supplémentaire.
Cependant, tout l’or du monde ne vaudra pas une bonne partie en local, à 2, pour s’entraider à déjouer ce qui vous attend. L’écran splitté fera le taf, et l’ensemble reste bien conçu pour la coop’. De plus, une conversation réelle aura toujours plus d’impact dans la compréhension qu’un système de dialogues activable en ligne. Comme dans le bon vieux temps.
On appréciera aussi les jeux de rythme en QTE , rigolos sans être transcendants mais passé ce constat, il y a de fortes chances que vous ne sortiez ToeJam & Earl qu’en de rares occasions. Pour un nouveau retour dans quelques années?
ToeJam & Earl: Back in Groove est un des pires jeux à noter. Rétro ou à la ramasse, frustrant ou dur, tel est le paradoxe. On a envie de lui mettre tellement plus mais nous serions aussi totalement légitimes si nous le descendions. De fait, avons-nous trop vieillis en devenant très exigeants avec l’avancée du jv, transformant les égéries en incendies? Cette question, vous vous la poserez. La réponse sera vague. Toutefois, même si ToeJam & Earl: Bach in Groove a bien 10 piges de retard, il reste de la catégorie des valeurs sûres qui ne nous émerveillent peut-être pas mais qui nous amusent tellement. On tremble quand même de fait pour Streets of Rage 4 et Shenmue 3 en se disant que le savoir-faire d’autrefois manque un peu de génie. Mais pas de cohérence. C’est déjà beaucoup.
Les plus
Les 90’s en force! Une amélioration du concept d’origine Run, run, RUN! Un gameplay maîtrisé…Les moins
...mais daté Ne s’inscrit pas dans la durée Ton OST bon sang!