Nous avons beau parfois trouver cela parfaitement crétin, il n’empêche que Sakura Wars est terriblement addictif et on se prend au jeu de la drague gentillette, s’amusant de nos boulettes et riant devant la sexualité à peine effleurée, en dépit d’un esprit pervers qui reste toujours cadré. Une expérience narrative sympathique où les mécanismes se répondent sans se chevaucher. Résolument travaillé et superbe dans sa forme, le jeu s’extirpe du guet-apens consistant à mettre des jolies filles virtuelles afin de faire baver le cliché boutonneux du gamer; la légèreté est de mise et à aucun moment il ne semble possible de s’ennuyer. Bien sûr, être récalcitrant à l’esprit complètement à l’est et barré des productions nippones sera un frein à main sans pitié; cependant, nul besoin d’être friand d’animés ou de hentaïs à la mode pour apprécier la singularité de la création. Régal visuel et auditif, Sakura Wars échoue toutefois dans la pratique de ses combats, plats et peu inspirés. Qu’importe! Le reste de la composition est enivrant, drôle et joli comme un coeur, nous poussant à poursuivre l’aventure avec ce côté honteux qui n’est même pas dissimulé. Véritable jeu de niche, le titre prône l’ouverture pour ne pas se limiter à de la perversion fantasmée de l’adolescence et cela, c’est une marque de respect pour les adultes que nous sommes. Une épaule légèrement dénudée d’un côté, un Pierre Richard de la drague de l’autre et voilà la recette d’un cocktail certes un peu étrange voire nigaud pour les détracteurs...mais tellement accrocheur. Comme lorsque nous sommes amoureux en fait!
Les plus
Les moins
Sacrebleu! Oui cela sonne comme une forme de jovialité mâtinée de vulgarité mais il faut dire que celle-là, nous étions loin de la voir venir... jusqu’à la sortie japonaise. Comprenons-nous: la série Sakura est un univers entier qui transcende les limites du jeu vidéo par le biais de nombreuses autres déclinaisons, des animés à la chanson. Et même si, comme bien souvent dans ce cas précis, une partie de la population connaît “de nom”, peu de gamers ont tâté l’expérience vidéoludique démarrée en 1996 sur la surprenante Saturn (une nouvelle ode à notre jeunesse oubliée!) où la simulation de drague s’acoquine avec le Tactical pour un résultat atypique et aguicheur. Tous les codes inhérents au genre se retrouvaient avec un malicieux plaisir et un soupçon d’affrontements pour dynamiter l’ordre figé du visual novel. Le temps est passé, la production ludotique s’est brusquement enrayée pour ne plus se manifester, et ce jusqu’à la saison dernière. Comble du comble, voilà que notre territoire accueille le renouveau avec tous les moyens mis à disposition pour éveiller l’intérêt, chemin indispensable pour aboutir au succès. Bien sûr, comme lors d’une retrouvaille se déroulant bien plus tardivement que prévu (foutue excuse “j’ai oublié de rappeler”), il est inopportun de sortir le vieil accoutrement de l’époque, la mode étant quelque peu passée et puis, soyons francs: désormais il nous boudine tendrement. Ainsi, l’essai PS4 débarque là où nous ne l’attendions plus, conçu comme une suite/reboot qui chamboule la formule en conservant certains piliers des fondateurs. Une longue tirade ayant charme, force démoniaque, baston et petites culottes pour protagonistes. Oui nous sommes conscients de la stupéfaction éventuelle en lisant ceci: imaginez alors lorsqu’il a fallu l’écrire…
On y va pour les gros nippons?
Lorsque l’humour gras est évoqué, personne n’ose avouer à table que cela lui offre de nombreux rictus, mis sur le compte de la légèreté. Soit. Cela permet aussi de crier à la médiocrité de la part de ceux qui ne songent que par le soutenu, sans que cela ne soit forcément plus fin. Heureusement, Sakura Wars évite ces 2 écueils avec une certaine dextérité. Oui concrètement, vous serez le séduisant (et un peu gauche) personnage promu au rang de capitaine de la Brigade des Fleurs dont l’effectif est uniquement composé de femmes, ravissantes évidemment. Sur le papier, cela ressemble à un mauvais film fauché (au point que les acteurs n’ont même pas pu bénéficier de costumes) sauf que dans les faits, cela fonctionne plutôt bien.
Ainsi, le tout est saupoudré des poncifs de l’école du Soleil Levant que nous retrouvons dans énormément d’oeuvres du pays, nous élevant à ce leitmotiv un poil perturbant: que se passe-t-il dans la tête de ces créateurs? Et si le scénario n’est pas celui qui vous fendra le crâne, il n’en reste pas moins plaisant à suivre; le rythme, relativement lent à l’instar de ses compères traditionalistes, n’est jamais hors de propos et le dosage entre blagues un peu bêtes (qui nous font tout de même marrer!), bellicisme et gravité de situation est appréciable.
Pour que vous soyez au parfum, sachez que le titre est le résultat de l’équation “visual novel, action et RPG”, lui scindant le visage en 2. A vous de vous promener dans le théâtre, point central de la ville, et les quelques quartiers de Tokyo, de taille modeste, pour engager la conversation avec les acteurs prévus par le script, en choisissant par où commencer. Et nul besoin de vous le cacher: tout est réparti en système de quêtes principales ou secondaires et il serait dommageable de se passer des secondes qui pimentent l’univers, tout en vous permettant d’améliorer vos relations, notamment avec votre troupe.
Et cela est à double-tranchant: ainsi, vous suivrez de longues tirades tout en étant amené à répondre, par le biais de 3 options, afin d’orienter la suite de l’échange mais surtout augmenter la confiance que vous porte les demoiselles, vous permettant d’exploiter le maximum de leurs capacités en combat. Le principe est simple et ne faisons aucun détour: cela constitue, de loin, la meilleure idée du jeu, en dépit d’un 3ème choix toujours un peu “gros” qui ne cherche pas à se camoufler.
Les grandes lignes ne seront pas impactées mais il est toujours aussi prenant de voir tout ce petit monde en gestation et les interactions qui en découlent. De plus, vous aurez l’option, à plusieurs reprises, d’effectuer un tête-à-tête avec les dames pour aller plus loin dans la relation, comprendre par là se dragouiller comme des adolescents. Et c’est ce qui fera basculer votre choix pour un éventuel achat: si vous êtes imperméable aux interactivités parfois un peu niaises qui caractérisent souvent le genre, autant passer votre chemin tant tout vous semblera pénible.
En revanche si cette typologie d’accointance vous fait écho, vous vous régalerez devant les mécanismes certes classiques mais toujours ingénieuses et parfaitement imbriquées!
Une situation inconfortable...et classique!
Sakura sa perte
S’il est aisé de se louper dans son numéro de claquettes verbal pour envoûter la belle, beaucoup de choses sont rattrapables. La qualité vient cependant de la fusion entre tous les éléments et la priorité est donnée à l’observation. En effet, chaque fille a son histoire et surtout son caractère et crévindiou que cela n’est pas facile à gérer! La face masculine du NBK aurait d’ailleurs bien ajouté “comme dans la vraie vie”, avant de se rétracter devant l’oeil menaçant du penchant féminin du duo.
Cela oriente les réponses à apporter et en faisant un minimum d’efforts, nous parvenons sans trop de mal à identifier la direction à prendre sans oublier de commettre quelques bourdes au passage. Et cela constitue le vil côté schizophrène apporté par le patch day-one (qui sauve la mise d’autres aspects que nous vous développerons): s’il est possible de sauvegarder désormais manuellement, ce qui ne fut pas le cas dans la version vanilla, le filou ayant loupé le coche sera désormais tenté de recharger sa partie pour gommer ses ratés et emprunter une autre issue.
Un conseil: afin de ne pas ruiner votre expérience, ne cherchez pas à réparer une erreur en usant de ce stratagème car Sakura Wars vous permettra toujours de récupérer ce qui est mal engagé, quitte à attendre un petit moment. De toute façon, au milieu des chamailleries éternelles, ce qui sied au récit, il est assez difficile parfois de s’y retrouver, tout comme il est assez compliqué de savoir qui sera l’heureuse élue qui partagera le coeur du héros, modifiant légèrement le final. Un côté “le jeu de l’amour et du hasard” non négligeable!
Toutefois, soyez prêt à affronter des situations absurdes voire ubuesques et il est vrai que le processus a parfois du mal à se renouveler: en effet, certaines scènes comiques impliquant du “voyeurisme” (dans le bain ou sous les jupes par exemple) eh bien...au bout de quelques heures, la surprise laisse place à une certaine lassitude mais par bonheur, ces moments ne sont jamais bien étirés.
Votre troupe au complet!
Pervers l’infini et au-delà!
Parmi toutes les éventualités, vous aurez de temps à autre une possibilité de régler l’intensité de votre réponse: un gadget qui se révèle in fine rigolo car brailler comme un âne pour faire une déclaration ou au contraire être bien trop timoré pour motiver ses troupes oblige à réfléchir un minimum, à l’image des phases chronométrées un peu stressantes mais sans véritable obstacle.
Le reste du temps vous apprendrez à découvrir des interlocuteurs toujours plus nombreux, distillés au compte-goutte et souvent intéressants, ce qui compense l’écriture de certaines collectes somme toute FEDEX, une tare majeure du jeu de rôles version Jap’. Rien de bien insultant, car nous ne nous retrouvons pas à poursuivre des grenouilles durant la majorité de l’aventure, mais entre la cueillette pénible des fleurs et une petite enquête qui vous demandera un petit effort de mémoire, il y a un fossé qui dénote quelques couacs d’équilibrage.
Cela concerne aussi certaines ellipses et si Sakura Wars tente de poser un minimum les bases, certains pans de l’histoire arrivent bien vite sans toutefois se plier au sabordage du raccourci brusque. S’il y a bien quelques axes qui nous sortent de la diégèse, comme ces duos qui trouvent un 3ème larron sorti de nulle part (vous saisirez en jouant) ou quelques techniques désuètes usant et abusant du hors-champ scénaristique, un effort appréciable est élaboré sur la mise en scène entre caméra dynamique, plans exquis et montage efficace. A aucun moment il nous fut permis de pester contre la forme, celle-ci se révélant aux petits oignons.
L’enrobage n’est pas en reste: si la Direction Artistique ne pourra pas nous réunir sous son joug, il est de bon ton d’admettre qu’elle maîtrise son sujet, bien aidée par un moteur graphique haut de gamme. Alors oui, aucune gestion environnementale n’est à signaler et nous retrouvons quelques loadings (stylés), pièces restreintes ou maudits murs invisibles mais aucun affront ne pourrait être acceptable sur ce point: cela flatte la rétine.
Cela est probablement le fruit d’une colorimétrie qui a tendance à délaisser l’obscur pour un rendu très vif mettant en avant un chara-design frôlant le sans-faute, même si certaines morphologies surprennent. Un travail remarquable est à signaler concernant les accoutrements de chacun, à une ou deux exceptions, et vous comprendrez aisément que les développeurs ont choisi de nous emmener dans le flamboyant pour mieux contrer la crainte de l’austérité.
Un système de choix simple et efficace.
Le héraut tisait
Le visuel ne serait rien sans une compatibilité exceptionnelle avec l'ouïe et mettons un terme à cet insoutenable suspense: oui l’OST tabasse sérieusement! Perturbante au premier contact, celle-ci nous accompagne avec justesse et brio, caractérisant chaque personnage qui dispose d’un thème reflétant avec exactitude sa personnalité. Se dégage alors une chaude ambiance et contempler Sakura Wars est un vrai régal, même durant les “rapprochements” un peu mièvres.
Parfois touchant, le titre est particulièrement, et c’est logique, verbeux sans plonger dans les abysses du trop-plein. De plus, tout est parfaitement lisible dans la partie “visual novel”, à l’instar de cette carte qui nous indique avec efficience nos objectifs (simples) à remplir. Et peu à peu, vous apprendrez à vous attacher aux lieux que vous visiterez, tout comme le héros qui se sentira de plus en plus chez lui.
Car oui il faudra vous montrer patient au sens où l’aventure commence réellement au chapitre 3, décollant prudemment pour aboutir avec panache, arborant une durée de vie plus que correcte en dépit d’une replay-value pas forcément évidente de suite. On regrette tout de même amèrement la quasi absence de mini-jeux: quelques-uns sont événementiels et en dehors de cela, il faudra vous contenter de “Koi Koi Wars”, un jeu de cartes basé sur les combinaisons qui devient terriblement addictif une fois que l’empirisme a effectué son oeuvre pour que les subtilités soient saisies.
Accessible dès le menu, cela donne un peu de diversité limitant le ronron qui a néanmoins la capacité de ne pas s’apparenter au monotone. Il est vrai que sous une apparente liberté, notamment sur l’ordre dans lequel effectuer les actions, le jeu est très dirigiste et le “à côté” n’est en aucun cas une pièce maîtresse. Vous pourrez bien trouver quelques portraits, dont certains évoquent le passé, ou même les acheter pour les contempler mais cela reste bien maigre.
Enfin ne soyons pas des juges des bars du samedi soir: à aucun moment nous n’avons subi l’épopée et l’immersion est restée en osmose avec nous. De plus, Sakura Wars parvient à s’extirper d’un piège qui nous faisait peur en évitant de dépasser des limites nauséabondes sur l’enfance et c’est un réel soulagement.
Visuellement, le boulot est fait!
J’peux pas Japonais
Et le côté A-RPG alors? Point de doute là-dessus: cela est fâcheux. Ici, riennisme de Tactical mais des combats de mechas en temps réel où vous disposez de 2 frappes (normales et lourdes) et d’un système de combos, bien trop avare pour nous mettre en extase. Si la variété des armures est appréciable, les coups sont trop limités et les statistiques trop concises ne poussent pas au développement: pas de montée en XP, seul le trio Attaque/Défense/PV fait loi ici. C’est bien trop peu, surtout que les affrontements ne sont guère passionnants.
La faute à une difficulté plus que sommaire où jamais vous ne serez mis à défaut: en fracassant vos ennemis vous récupérez des orbes trop nombreuses pour que vous vous sentiez en danger. Lesdites orbes représentent des soins ou des points permettant de remplir une jauge de coup spécial, donnant lieu au passage à une superbe animation. Le problème est qu’il est bien trop familier d’être à fond rapidement.
Les arènes ne sont pas bien grandes et les combats se déroulent à 2 ou 3 face à une multitudes d’ennemis aux patterns limités qui impressionnent plus par leur nombre que par leurs compétences. Vous pourrez alors switcher entre les membres de votre bataillon mais le souci est identique: seuls les robots spécialisés au càc ont de l’intérêt car pour ceux qui shootent à distance...en gros vous passerez votre temps à marteler la même touche.
Le constat est similaire pour les boss, pas impressionnants pour 2 sous et recyclés. Nous ne pouvons aussi que pointer du doigt le bestiaire qui n’est pas à la hauteur de la patte artistique de l’ensemble. Reste la sensation d’impact bien rendue mais cela est mineur. Surtout que dans la secte des combats de mechas, Zone of The Enders faisait bien mieux auparavant. Ce n’est pas le même genre rétorqueriez-vous à raison; en outre, il faut reconnaître qu’un soft sur PS2 faisait bien mieux. Oui ça date.
Un bel univers coloré!
Vaincre toutes ses fleurs
Bien sûr, il y aura cette subtilité du dash/esquive, permettant à l’instar d’un Bayonetta de ralentir le temps pour déboîter les adversaires de manière safe, en suivant un timing dont la fenêtre est relativement grande. Cependant au bout d’un moment, vous bourrinerez comme pas permis, constatant que la technicité n’est pas de mise. Une désagréable impression de faire affaire avec un Musō mal calibré pointe le bout de son nez et le trip est en berne.
Ajoutons à cela quelques parties de plateforme inutiles et nous buvons le calice jusqu’à la lie. Toutefois ne soyons pas des commères décérébrées: le combat est une composante infime du jeu. Le ratio ne flanche pas et reste globalement ultra-favorable à la narration. Ainsi, pour 2H de visual novel, vous allez enquiller 30 minutes de combat. D’accord, cela fait tâche mais la durée est limitée.
De plus, nous tenons à vous faire un aveu: lors de nos premières sessions de jeu, le sacro-saint patch envoyant Sakura en version 1.01 n'était pas encore déployé et le bilan des bastons était...catastrophique. Pas de lock et une ergonomie à revoir, nous étions presque en overdose face à une telle imprécision, ahurissante pour une production de 2020!
Cependant, la donne a changé: le verrouillage des cibles vient d’être intégré, nous permettant de tourner autour de l’opposant et surtout de voir ce que l’on fait face aux belligérants aériens, que nous estimions au hasard dans la précédente monture. Mieux: vous aurez le choix de modifier le mapping des touches et cela aussi est salvateur.
Cela n’améliore pas la pauvreté des fights mais le tout devient supportable: nous ne sommes ni conquis et désormais ni agacés, et il est louable que des créateurs assurent le suivi de leur jeu en écoutant les retours des joueurs. Nous aurons malgré tout du mal à nous intéresser à la jauge de moral qui augmente selon vos prouesses tout comme il sera difficile d’avoir vraiment envie de s’atteler au scoring, une note vous étant octroyée en fin de mission et améliorable via les entraînements, en prenant en compte votre temps de complétion, les dommages et tout ce qui fut déjà vu ces dernières années.
Dernière énumération, et non des moindres: la traduction française est disponible et, à l’image des doublages, c’est une grande réussite et une occasion de se lancer dans un jeu de niche qui donne le maximum pour être accessible.
Un peu comme le premier flirt où il faudra percer la carapace de l’autre pour fantasmer un chemin commun.
La détermination incarnée!