Un avis qui peut paraître un tantinet sévère ou à l’inverse trop généreux. Si Below ne peut que diviser la communauté de gamers, il est aussi en mesure de séparer une seule personne qui prendra le courage de se mesurer à lui. Ainsi, le titre est peu avare en générosité, surtout avec l’accueil glacial qu’il vous balance et ce sans sourciller le moins du monde. De quoi laisser certains marins en pleine tempête de mer, épuisés dès l’abordage de l’île, théâtre d’actes qui ne s’expriment qu’à de trop rares occasions. Pourtant, nous ne serions que des maigrelets goûteurs si nous nous arrêtions à ce postulat qui, à l’usure, ne sied plus vraiment au chaotique commencement. Le brouillard se dissipe et notre progression, pad en mains, se calque sur celle de la succession des héros dont le dernier bénéficiera de l’accomplissement de bien d’autres avant lui, présents pour déminer un chemin tortueux. Une volonté bien trop effacée dans le nouveau mode “exploration” qui se substitue à un hypothétique didacticiel qui aurait pu réunir tant d’âmes hostiles à la cause. Un trop grand écart se situe avec l’origine, le système “survie”, même si nous sommes largement en mesure d’accepter cela comme un point d’entrée, fut-il maladroit. Cependant ce serait oublier que l’aventure transpire à chaque instant, quitte à explorer le côté obscur, bien loin des découvertes enchantées fantasmées par l’évocation du genre. De quoi se retrouver en extase et dépité à la fois. Entre un 5 et un 9, aucun aimant ne nous aura attirés vers un extrême. Comme si nous étions là, à errer sans connaître notre but dans l’espoir d’une apothéose transcendantale en guise de sortie. Fichtre.
Les plus
Les moins
Il y a des questions auxquelles nous avons si peu de réponses...Below appartient au clan des productions qui soulèvent cette problématique: il suffit ainsi de mettre en parallèle le développement démarré en 2013 pour une sortie 6 ans plus tard sur Xbox One et PC, avant que ce présent portage n’atterisse sur PS4… 2 piges plus tard pour entrevoir l’imbroglio. Un processus de création au sein du studio de Toronto Capybara qui fut probablement douloureux en plus de se redéfinir perpétuellement, tâtonnant pour trouver la formule secrète qui, par une subtile distillation, aboutit à la magnificence de l’oeuvre complète où la qualité mêle acquis et évasion. Un rude exercice pour nos Canadiens qui ont une concurrence resserrée dans le domaine où la bataille fait rage, notamment dans le gang des indés où se multiplient les tentatives entre réussites et plantages, inoubliables et ratés, incompris et incompréhensibles. Dans tout ce delta, où se situe le curseur de notre sujet du jour? Un peu dans les 2 camps au sens où la splendeur s’amourache de la lourdeur et que les concessions ne sont pas toujours celles que nous attendons. Cependant, point de panique hâtive: certaines choses furent figées, d’autres amenées à évoluer pour tenter de satisfaire tout le monde, du plus frénétique au plus occasionnel. Un autre défi qui se superpose aux autres (déjà bien corsés) du jeu que nous aimons autant que nous détestons pour des raisons aussi évidentes que camouflées. Une affaire de coeur? Si celui-ci fut brisé, nous aurions tendance à répondre par l’affirmative. Le sujet est schizophrène, à l’image de votre duo de rédacteurs et de notre modeste récit de voyage...
Could you Below?
Afin de cerner ce qui sera défini comme un OVNI par certains d’entre nous, il s’agit de le caractériser; dans le cas contraire, nous serions condamnés au hors-piste qui nous mènera jusqu’à la fosse. Non Below n’est pas un pur rogue-lite (et encore moins un rogue-like): il s’agit avant tout d’un jeu d’aventure, un vrai, au sens large. Et avouons que cela lui va comme un gant puisque dans sa grande nitescence, référence finalement habile pour un engin comme celui-ci, le titre pioche dans le multi-genre, s’accaparant les codes de la survie, du dungeon-crawler, de l’action, du zelda-like originel, de l’exploration et, donc, du rogue-lite. Tout ceci à la fois, et cela peut faire peur sur le papier en craignant qu’un trop-plein stylistique se révèle trop riche pour nos intestins vidéoludiques.
Et d’un sens, cela est la première réussite de la création qui ne se perd jamais dans ce qu’il entreprend, du moins dans l’essence de ses mécaniques. D’autres soucis seront inhérents mais nous y reviendrons. En tout cas, ne hâtons pas les comparaisons plus rapides que malhonnêtes faisant référence à la saga des Souls. En dehors de certains points communs que vous reconnaîtrez entre mille, observateurs lecteurs, rien ne peut prétendre justifier l’affiliation et pour cause…
La première chose qui frappe est cette cinématique introductive, l’unique avant le dénouement final, qui pose les bases de la discorde: onirique et puissante pour une nation de joueurs, elle se révèle fade et lunaire pour le camp d’en face et nul doute que nous nous retrouvons en chacun d’eux. Oui le mystère nous fait un appel enivrant mais pourquoi diantre une telle longueur? La lenteur ne peut, et ne doit, pas être ce frein à l’intéressement mais au même titre que le rythme, la durée ne s’enorgueillit jamais d’une taille trop imposante et cela offusquera le sceptique.
Sans même avoir pris le contrôle que nous sommes déjà face à la division, tout comme ce choix imposé dès l’écran-titre: le mode “survie”, celui d’origine, ou “exploration”, celui qui s’adresse comme une lettre de pardon à ceux qui se seraient mortifiés au contact du jeu ou qui ferait office d’initiation pour ceux qui hésiteraient à se lancer. Seule certitude nous concernant: une certaine hostilité, et non une condamnation, émane de cette version simplifiée pour des raisons dont nous vous parlerons tout en vous détaillant les caractéristiques.
Finalement, à l’instar d’une politique fallacieuse, il est toujours risqué de vouloir rassembler à tout prix, l’antithèse étant tapie dans le terrain tamisé.
Les raccourcis salvateurs!
Rock à Below
Alors que se passe-t-il vraiment dans tout ça? Quel est le synopsis? Contre quel vent menons-nous le front? A vrai dire, nous n’avons aucun éclaircissement. Rien puisque de narration, il n’y a point. La force de Below n’est pas là: elle réside dans l’alchimie de ce qui compose son squelette pour éblouir de sa force environnementale. Et cela est incontestable: cela suinte la classe et l’atmosphère est une petite perle capable de surclasser aisément bon nombre de concurrents provenant du même genre. Et au-delà d’ailleurs tellement tout est finement dosé.
En premier lieu saute aux yeux cette palette de couleurs où s’affrontent le clair et l’obscur. Cela constitue la nature même de l’épopée et les conditions climatiques ainsi que les quelques éléments du décor auront vite fait de vous plonger dans l’ambiance à la fois froide, puissante et surtout mélancolique. Vous aurez beau ne rien savoir au milieu de personnages (votre premier et ceux qui le suivront un par un après sa mort) sans aucune personnalité ni réelle expression, vous serez soudainement pris d’un malaise étrange et divin à la fois.
En ce sens, le sound-design joue en notre défaveur puisqu’il est généralement relié au hors-champ ou autres bruits naturels et pas forcément lié à l’action, excepté lorsque celle-ci l’exige. Les silences pesants, sans aucune musique, en témoignent et entendre quelques simples gouttelettes a ce don d’inquiéter tout en donnant une impression de vie du cadre immuable. Enfin presque car le procédural, pas bien méchant, est de sortie. Ainsi, il s’agit d’imaginer et de ressentir le danger tout en utilisant le sens de l’ouïe et c’est un succès puisque l’aventure vers l’inconnu, c’est exactement cela.
Et comme dans plusieurs productions qui ont pris le pli, quelques morceaux d’OST discrets ou plus volumineux sont ancrés dans le périple et...qu’ils sont puissants! Si toutefois vous nous permettez cet euphémisme tellement le mot est gringalet face à ce qui vous attend. Rarement une telle bande-son n’aura autant promu son identité avec efficience et virtuosité, ou quand la netteté donne une leçon à l’arrangé. Jim Guthrie, loin d’être un rookie, a fait preuve de bien plus qu’un simple investissement: on parlera ici d’une symbiose si cristalline qu’elle en aveugle le plus aguerri.
Plus qu’un savoir-faire: un éclair savant...et de génie.
Ils viennent de partout!
Below Nasty
Techniquement, les effets renforcent la magnificence en dépit d’artifices un peu vicieux, comme cet éloignement de la caméra à une hauteur exponentielle qui réduit chaque héros à un chouïa protagoniste dont on distingue mal l’appartenance. La vue de dessus est bien lointaine et si nous passerons aisément sur une méthode qui évite la texture baveuse, il est envisageable que vous ne manquiez pas de manifester votre mécontentement devant des soucis de lisibilité qui entachent le bilan d’un level-design cohérent, à défaut d’être transcendant, déjà accusé de récidive dans l’agencement des pièces. C’est ainsi qu’il faudra vous résoudre à la reconnaissance d’indices visuels peu évidents au premier coup d’oeil mais que vous apprendrez à dompter afin d’éviter tant de faux-pas qui, à l’usure, vous ruinent l’expérience.
La mort sera familière et finalement, ne pas s’attacher à chaque personnage dégage du bon: vous débarquez sur une île avec un héros, il progressera et...rencontrera la faucheuse plus ou moins rapidement. Puis ce sera un autre aventurier qui débarquera pour s’engouffrer à son tour dans cette grotte qui semble tant émerveiller le badaud. Tout l’enjeu du soft se trouve ici! Pour progresser, il faudra débloquer des raccourcis et faire des choix: reconstruire votre stuff ou chercher à tout prix le cadavre du défunt (dont le destin était entre vos mains il y a encore 5 minutes) pour le piller? Se refaire la cerise ou faire fructifier votre précédent run? Un dilemme à ne pas prendre à la légère!
Si rien n’est fait, vous recommencez perpétuellement sur le lieu de départ, la plage, et votre ire sera grandissante. D’où l’intérêt de gérer sa progression, quitte à “sacrifier” un personnage chancelant pour mieux baliser le chemin du suivant. L’autre possibilité vient de l’embrasement des feux, ces points de repos essentiels, qui vous offrira un checkpoint unique(!) moyennant finance, symbolisé par des cristaux que vous ramassez et qui servent également de recharges éphémères de lumière.
Oui, tout est sombre et sans éclairage, dont cette lampe qui vous permet de concentrer un rayon de lueur pour mieux appréhender le terrain, ce sera rapidement la fin de votre périple. Non pas en raison d’ennemis bien résistants, en dépit d’une tentative à un moment bien précis d’envenimer leur dangerosité, mais de pièges qui, dans le mode “survie”, vous dégomment en un seul coup. Pas de pitié et ce ne sont pas les respawns relativement longs qui vous poussent à l’accalmie!
Sombre et sobre.
Below Good and Evil
Paradoxe du gameplay: relativement simple, il faudra pourtant expérimenter et accepter le baptême sans scrupule qui vous privera de tout ce qui doit devenir intuitif. Aucune explication, aucun tuto. Cela peut s’entendre; en outre, impossible de ne pas penser à un certain artifice de la difficulté qui n'existe que par méconnaissance. Le HUD est minimaliste et aucun item ne possède de description même si une utilisation logique est décelable pour certains d’entre eux. Il faudra aussi composer avec une interface loin d’être au top, malgré une utilisation correcte, et un mapping des touches perturbant.
Puis peu à peu, à l’instar de ce brouillard “made in RTS” que nous chassons avec tous les moyens à notre disposition, tout s’éclaire: la faim devra être évitée et la soif étanchée, le froid repoussé et les soins prodigués. Pour cela il faudra chasser, ramasser le liquide potable avec un récipient et...crafter, un nouveau double-sens car l’usage est évident mais le résultat, dans les premiers temps du moins, hasardeux. Rien n’est inutile et il faudra savoir quelle quantité emporter, limitation oblige. Torches, soins, munitions...à vous de créer, définir les besoins et de vous approprier les codes pour mieux les restituer!
Par bonheur, les fameux feux évoqués plus haut servent également de HUB où en se reposant et en passant dans une sorte d’autre dimension, il est possible de stocker les objets durement gagnés ne serait-ce que pour faciliter la quête de celui/celle qui suivra et ce jusqu’au triomphe. Comme nous vous le disions: rien de bien complexe si seulement tout est saisi au plus tôt!
Les combats ne feront pas honte au titre, sans laisser dans notre esprit l’impérissable et le mystique, et se résument à switcher entre les armes (dont la variété et les movesets sont sympathiques tout comme la dualité càc/à distance), cogner, se mettre en garde tout en s’orientant avec le stick droit. Bien sûr, un dash est présent mais il se révèle trop court, surtout que les adversaires mettent du temps à lâcher prise lorsque l’aggro est déclenché.
Non pas qu’ils soient si terribles, nous le répétons, mais le nombre est important et ils viennent de toute part tout en ayant des réactions vives parfois surprenantes. Vous pourrez alors choisir la fuite dans le tableau en effectuant des pas de course. N’oublions pas cependant le risque: un piège mortel est si vite arrivé…
Vous apprendrez à les détester...et les insulter!
Below The Kid
Nous pourrions aussi évoquer l’aspect sommaire des lieux affiliés au décor: vous traversez des tableaux, aidé par une carte réduite au strict nécessaire, entrecoupés par des downloads pénibles pour découvrir des étages sans nom, uniquement numérotés. A chaque nouveau passage avec le personnage suivant, le décor se retrouvera légèrement chamboulé, procédural oblige, sans que cela ne bouleverse complètement le repérage, certains lieux ne bougeant quasiment pas d’un iota.
Quelques joyeusetés égayent la feuille de route, comme les serpents qui vous mordent ou les chauve-souris qui ralentissent la progression et nous obtenons une accumulation cohérente et sans superflu dont l’inaccessibilité initiale mute en appréhension totale des rouages. Pas de statistiques à gérer, chaque survivant étant égal à l’autre, et pas de progression, sinon celle du stuff, ni de rendu optionnel. Si vous arrivez à l’épilogue, vous avez déjà complété ce qu’il fallait, un petit coup dans les dents pour la replay-value en dépit d'une durée avoisinant les vingt heures, selon votre capacité d’avancement.
La petite déception concerne à juste titre ce fameux final qui reprend des surprises qui n’en sont plus car...d’autres productions ont déjà battu le pavé du jv, à l’instar d’un Inside qui préparait sa conclusion par de brefs moments où l’arrière-plan faisait sens. Rien de cela ici et si nous esquissons un petit rictus de satisfaction, aucune émotion ne parvient à sublimer la tristesse environnementale que nous évoquions.
Enfin, et c’est certainement le plus dérangeant en ce qui concerne cette édition: pourquoi diable un mode “exploration”? Pourquoi? Si celui-ci vous permet le voyage systématique entre les feux (devenus points de contrôle permanents), la blessure au lieu de la mort subite lors de la rencontre des pièges et surtout la disparition des éléments survivalistes que sont la faim et la soif, il dénature la symbolique même de Below.
Si nous comprenons parfaitement l’ouverture destinée à ceux qui trouveraient l’épopée trop hardcore, pourquoi ne pas avoir choisi la voie du rééquilibrage ou, mieux encore, d’instaurer un début moins agressif histoire d’appréhender les mécanismes avec plus de temps et de souplesse?
Un parti-pris qui peut laisser perplexe; néanmoins l’effort est louable, si nous omettons la perturbation encore renforcée par ce nouveau visage affiché par le titre.
Si la lumière est une touche d’espoir, son association avec son contraire nous laissera conclure que quoi qu’il fasse, le jeu trouvera son penchant. Qu’il soit favorable ou non.
Vous comprendrez...