Nous connaissons le studio pour son goût de l’étrange et sa facette de déstabilisation. Rien n’est plus juste pour 13 Sentinels qui nous pousse à l’émerveillement tout en utilisant à l’occasion la stratégie du vide, notamment dans les phases narratives qui, finalement, n’apportent rien en jouabilité. En revanche, un pilier reste le récit, construit intelligemment et abordé sous plusieurs angles, qui plus est selon le choix de timing du joueur. Absolument superbe quand il s’agit de développer l’histoire, 13 Sentinels se prend les pieds dans le tapis dans sa représentation visuelle des missions tactiques. En outre, celles-ci prennent leur sens au fur et à mesure, même s’il faut chercher la difficulté pour ne pas garder une impression de bordel aléatoire. Disposant d’une touche RPG non négligeable et abordable, le soft annonce son ambition en mixant des ingrédients improbables qui ne pourront que ravir les personnes prêtes à goûter à une expérimentation de chaque instant. Le concept est là, même s’il semble difficile de ne pas craindre un certain manque de profondeur des mécanismes. Ce n’est clairement pas cet objectif qui est visé et ce sera au gamer d’accepter, bien aidé par un récit qui happe très rapidement tout ce qu’il touche. Ainsi, impossible de passer à côté de 13 Sentinels tout en le recommandant à un public particulier, qui ne cherche pas la grandiloquence parfois maladroite de la mise en scène pour en prendre plein les yeux. La SF des développeurs sera donc la Sobriété Fantastique, toujours plus prompte à nous emmener plus loin. Du bon boulot, comme d’habitude.
Les plus
Les moins
Les deux faces d’une même pièce. Voilà, terminé bonsoir ! 13 Sentinels est donc ce jeu qui flirte avec les extrêmes, que ce soit dans son gameplay ou dans le plaisir qu’il procure. Cela faisait un moment que nous attendions une nouvelle production de Vanillaware (on ne compte pas les versions “augmentées”) après les divins Odin Sphere, Muramasa ou Dragon’s Crown. Et l’annonce du mélange aventure/tactique nous avait franchement laissés pantois, ignorant la tournure que cela pouvait prendre. Dans les faits, tout est finalement bien plus simple. Au moins les explications de la forme seront particulièrement limpides tandis que les nuances sur les sensations seront issues d’une analyse...perturbante. Entre fascination et incompréhension ! Car l’essence même de la production ne peut que faire dégouliner le paradoxe qui l’anime dont le sens nous perturbe. Nous sommes donc tous prévenus, ce test aura une couleur étrange. Mais cela n’est finalement fait que pour une chose ciblée : laisser transpirer les mots pour mieux saisir le sentiment. Sommes nous prêts à gravir la montagne qui nous sépare de la certitude ? A vous de voir comment se situer. Cela dit, il est temps de passer aux choses sérieuses…
Sentinels sonnent mon fort
Ni une ni deux, 13 Sentinels affiche de suite ses ambitions : 2 parties distinctes , l’une narrative et l’autre tactique. Rien de bien choquant car tout s’articule correctement même si le fossé est énorme. Aussi bien artistiquement que dans les mécanismes ! D’un côté, vous suivrez les pérégrinations de vos héros dans des environnements superbes et particulièrement travaillés, en dépit de l’étroitesse des zones. Qu’importe ! La magie opère à chaque instant avec des décors absolument fabuleux qui donnent de la profondeur et de la vie au jeu où vos déplacements se limitent à aller de gauche à droite, sur plusieurs plans éventuellement.
Tout est en parfaite harmonie avec une représentation de haut niveau, flirtant avec un rendu papier/crayonné/aquarelle. On y retrouve un chara-design plutôt classique mais réussi, où bien évidemment les formes féminines sont parfois démesurées. On reconnaît la patte du studio, qui accorde un soin particulier dans la construction de ses univers ! Une identité forte et marquée que nous retrouvons ici.
De plus, la narration est un modèle du genre. Complètement éclatée, car vous pouvez choisir quel arc narratif vous décidez de suivre en premier (même si certains sont verrouillés jusqu’à ce que vous atteignez une certaine avancée), le tout est un subtil mélange. Vous vous poserez des questions en vous rendant compte que cela fourmille de détails et qu’une scène anodine peut avoir son importance bien plus tard. Chaque chose paraît logique une fois les révélations faites. Les résolutions pourront d’ailleurs être différentes.
En tout cas, le récit saura vous garder en haleine en dépit d’un prologue un peu long. Nous nous demanderons bien des fois où les créateurs veulent nous emmener. Force est de reconnaître que le soft ne tombe pas dans le piège de la facilité d’écriture. De plus, les références, notamment cinématographiques, sont nombreuses et sympathiques (ah, La Guerre des Mondes !). Même si le concept du voyage dans le temps est toujours casse-gueule, cela fonctionne plutôt bien avec une année “centrale” (1985) mais également des sauts dans d’autres époques avec des personnages venus du passé (Seconde Guerre Mondiale) ou du futur. Tout cela finit par s’imbriquer avec cohérence une fois l’ensemble compris. Les enjeux de ce conflit contre les machines sont justes et intéressants.
Une tartasse graphique, à n'en point douter.
Aisés et quelles Sentinels !
Un émerveillement qui s’estompe toutefois lorsque les mécanismes de cette partie se font plus clairs. Concrètement, si nous restons en admiration face à la Direction Artistique globale, les dialogues et les doublages japonais aux petits oignons, nous ne pouvons pas en dire autant sur la jouabilité de ces phases, limitées voire même de temps à autre à la frontière du “non-jeu”. Nous nous expliquons : il s’agit d’évoluer dans des tableaux étroits en discutant avec les PNJ ou en scrutant quelques objets. De là apparaîtra le concept du “mot-clé”, qui entraîne une réflexion interne du personnage jouable (avec un bel effet graphique) puis une possibilité d’échanger avec un autre protagoniste sur ledit “mot-clé”.
Le fait que l’écriture soit cohérente, en dépit d’arcs moins intéressants, sauve le tout car en y réfléchissant bien, nous restons dans une construction narrative pure. Et ce au détriment des sensations manette en mains. Alors OK, tout est prenant et les différentes possibilités de futur donne ce piment supplémentaire. Cela n’empêche pas le rendu de gameplay finalement très succinct.
A la limite si la construction des niveaux permettait une plus grande liberté, à l’instar de l’ordre dans lequel procéder, nous serions bien plus enclins à être moins exigeants. Cependant, comme nous vous le précisions : il y a un côté addictif à ne pas réellement découvrir une véritable mécanique de jeu. Grâce aux points précédemment cités notamment, saupoudrés d’une OST à tomber à la renverse, tant celle-ci est puissante et toujours en raccord avec la situation. Elle contribue fortement à la mise en scène sans basculer dans le too-much des familles, malgré certains clichés typiquement venus du Soleil Levant.
On pourrait donc résumer cette partie très distincte de la seconde (et majoritaire) dans une oeuvre assez longue, comme un Point’N’Click simplifié. Oui difficile donc de réellement parler d’”aventure”, même si cela est un rouage essentiel du scénario. Une scène pour plusieurs destinées, voilà comment aborder le jeu pour éviter toute amertume !
Un monde vivant et sublime !
Mecha dance !
C’est ainsi que 13 Sentinels propose son 2ème visage : l’aspect tactique. Première chose à définir : visuellement, tout est plus que épuré et la représentation des mechas est décevante. Car oui, ce sont des bastons de robots qui vous attendent ! Heureusement, les superbes portraits des protagonistes (à poil dans leurs machines !) sauvent un peu le tout. Ce n’est pas totalement affreux mais cela tranche tellement avec les précédents mets délicieux qu’il nous est impossible de ne pas subir un léger choc. Pourtant, par la suite, nous nous y faisons rapidement et nous comprenons que cela permet d’afficher une pléthore d’ennemis, ce qui a ce côté jouissif quand le massacre intervient.
Ainsi, vous choisirez parmi 3 modes de difficulté et il est important de préciser que pour les habitués, il convient de sélectionner le plus haut tant le mode “normal” est abordable, au point de se dire “tout ça pour ça ?!” quand nous prenons conscience des nombreuses possibilités.
Effarés dans un premier temps, nous nous rendons sur le champ de bataille pour se fondre dans la mêlée, selon un temps chronométré qui peut paraître très court mais qui en vérité peut s’éterniser si vous restez en position passive. Concrètement, vous ferez face à des vagues d’ennemis, toujours plus étoffées et variées. De là, il s’agira de défendre votre terminal grâce aux 6 guerriers (sur...ben les 13 !) envoyés pour la castagne. Premier constat : la diversité de générations de vos mechas donnent une dimension stratégique réussie car elles correspondent aux classes, définissant les compétences utilisables. Càc, distance, éradication des objets volants… à vous de bien définir votre équipe et à bien user des talents de chacun pour arracher la victoire ! Sachant que les antagonistes, comme nous l’avons vu ont aussi une diversité au sein de leurs rangs...
Une différence flagrante !
Daimos Roussos !
Vous voilà dans le bain avec un système de tour en semi-temps réel. Des temps pour effectuer les déplacements seront à prendre en compte, donc il faudra réfléchir à sa manière d’approcher pour ne pas finir pulvérisé avant d’avoir atteint la cible. Sachant également que les portées des attaques sont différentes et limitées. L’une d’elles est particulièrement meurtrière mais n’est utilisable qu’en ligne droite, tandis qu’une autre cogne sur une zone circulaire. Et ce ne sont que des échantillons du panel proposé. Le tout pour voir s'effondrer les bataillons sous une tonne de chiffres indiquant les dégâts ! Cela reste ultra-satisfaisant et le sound-design y est pour beaucoup. Les bruitages sont parfaits, là où l’OST est moins inspirée (mais non pas moins dynamique) que durant les phases narratives.
Des compétences de soutien classiques sont aussi à votre disposition, histoire de gérer sa protection avant de subir des assauts adverses, au cas où ceux-ci auraient réussi à transpercer une partie de vos défenses. Il sera aussi nécessaire de s’isoler pour se réparer de temps à autre, en se planquant bien tant cela rend vulnérable. Rien de bien complexe mais tout se coordonne parfaitement, sans prétendre à la complexité des ténors du genre tactique.
Vous devrez prendre en compte vos objectifs, assez basiques, mais 13 Sentinels a la bonne idée d’ajouter des optionnels, faisant office de bonus. Cela vous donnera des points supplémentaires et il est important de bien mener ses assauts pour obtenir une note honorable en fin de mission.
Et pour cela, le jeu encourage à l’attaque sur tous les fronts, car la passivité ne résout rien et vous conduit à votre perte, que ce soit en raison d’une destruction d’un terminal ou consécutif à l’éjection puis l’exécution d’un membre de notre équipe. Il faudra se montrer donc résolument offensif et bien gérer l’utilisation de ses attaques, car certaines coûtent des points d’action. Et si cela tombe à zéro, vous êtes bon pour passer votre tour en position “défense” pour recharger.
de véritables tableaux...
Aegis Topi
Tout cela contribue au dynamisme et à l’appréciation de cette partie, finalement plus riche qu’elle ne le laisse croire. Nous réitérons : essayez de vous frotter au mode intense qui fait honneur aux subtilités du système, comme cette Métajauge à remplir, synonyme d’une attaque dévastatrice ou d’un bonus passif par exemple, à utiliser et faire germer au bon moment, le nombre d’utilisation étant limité. On se prend rapidement à apprécier une méthodologie relativement simple à appréhender. Beaucoup de “petits trucs” viendront accompagner l’ensemble. Néanmoins, jamais vous ne vous sentirez noyé sous un flot indigeste à bien saisir.
C’est aussi à cet instant que l’aspect RPG prend tout son sens : au fil des combats, vos personnages prendront des niveaux. De plus, la monnaie du jeu vous permettra de personnaliser chacun des combattants (et d’upgrader les terminaux pour encore plus de puissance offensive/de protection), en leur offrant de quoi se renforcer, que ce soit pour la vitesse ou la résistance et plein d’autres items tout en modifiant votre arsenal. De plus, chaque héros pourra débloquer des compétences qui lui sont affiliées, ce qui rend leur présence bien utile malgré quelques ressemblances.
A vous de voir par la suite si vous souhaitez prioriser tel ou tel personnage pour monter une équipe puissante rapidement, ce qui en laissera d’autres sur le côté. Cependant, vous ne pouvez en aucun cas enquiller les batailles sans séquelles puisqu’une barre de “cérébralysie” viendra couper court à vos ambitions en empêchant un guerrier de participer si la jauge devient pleine. Une manière efficace de faire tourner !
Pour le reste ? Le fait de pouvoir choisir entre avancer dans les pans narratifs ou de combats rend la production agréable grâce à l’auto-gestion. La traduction excellente aide à la compréhension globale.
Pour rafraîchir les mémoires plombées par des oublis récurrents, les chroniques seront là pour vous rappeler les grands événements et vous aurez l’occasion de suivre la globalité avec les embranchements, une tradition de Vanillaware. Enfin, le Codex, dont l’obtention diffère d’un fichier diffère selon vos exploits, servira à épaissir le lore qui était déjà bien costaud. C’est en cela que 13 Sentinels est un jeu à analyser une fois terminé plutôt que de faire l’objet uniquement d’un test. Tout bonnement parce que l’ensemble tient sur son scénario et vous raconter les terribles batailles contre les Daimos (les antagonistes), cela serait vous priver de la source même du but des créateurs. Si la curiosité vous attire, ou que vous êtes un aficionado du studio, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Nous n'échapperons tout de même pas à un peu de mignonitude !