Il s’agit désormais d’une habitude, cette période de l’année qui voit débouler le nouvel épisode Call of Duty. On serait presque tenter de dire que l’évènement est rentré dans les moeurs (faut vraiment que les sociologues se penchent sur ça). La franchise ultra-bankable d’Activision fête même ses dix ans d’existence. Une décade pendant laquelle le FPS est devenu tout simplement l’un des produits de divertissement les plus vendus au monde. Starifié par certains, honni par d’autres (c’est la rançon du succès), c’est en tous cas avec ce statut de blockbuster planétaire que CoD continue d’inonder les consoles de millions de joueurs. Cette fois-ci, exit la « Guerre Moderne », c’est avec Call of Duty : Ghosts qu’Infinity Ward va tenter de nous surprendre.
Rantanplan ? Au pied...!Un solo fantomatique
Commençons par enfoncer les portes ouvertes. Pour faire un (bon ?) solo de CoD, deux ingrédients indispensables dans la marmite du développeur : victimiser les Etats-Unis et embaucher un scénariste issu du sérail hollywoodien. Et c’est Stephen Gaghan (Traffic, Syriana) qui s’est frotté à l’exercice. Malgré ce joli pedigree, il y a une feuille de route à respecter. Comprenez qu’il faut utiliser certains marqueurs que l’on retrouve maintenant à chaque épisode de la série. Trouver un nouvel ennemi (suffisamment « couillu » pour oser s’en prendre à Tonton Sam), favoriser une mise en scène explosive (quitte à quelques invraisemblances, mais c’est divertissant) et instiller du sentimentalisme patriotique et de l’émotionnel (pour donner un semblant de légitimité à tout ça). Au bout du compte, ça nous donne quoi ?
Et bien nous avons droit à une attaque foudroyante et impitoyable de la part des…Sud-Américains…en fait une coalition d’états appelée la Fédération. On est allé chercher les méchants juste de l’autre côté de la frontière. D’habitude, on nous sert l’affrontement avec l’Ouest contre l’Est, mais en changeant les points cardinaux, ça fonctionne aussi. Il faut bien varier les plaisirs, n’est-ce pas ? Et n’allez pas vous imaginer des pistoleros aux longues moustaches et coiffés d'un sombrero (oui, c’est un peu cliché). Les belliqueux assaillants n’ont pas fait les choses à moitié puisqu’ils ont grillé la majorité des villes américaines après avoir détourné un satellite de frappe orbitale appelé Odin (made in U.S.A.). Sur ces entrefaites, alors que basculait le sort de l’humanité, le préambule introduisait rapidement notre héros, Logan Walker accompagné de son frère David.
On les retrouve ensuite dans un futur proche, l’histoire de ce Call of Duty : Ghosts se déroulant dix ans après cette offensive hispano-cataclysmique, les deux frangins faisant partie d’une unité d’élite : les Ghosts. Unité qui est d’ailleurs sous les ordres de leur « pôpa », où quand la guerre devient une histoire de famille. Black Ops II nous servait la relation père/fils, on en rajoute une couche avec la mièvrerie fraternelle. D’autant que les personnages ont un caractère aussi plat qu’une limande-sole, on en viendrait à regretter les forts en gueule qu’étaient le sergent « Soap » Mac Tavish et le capitaine Price. Bref. On fait avec ce qu’on a sous la main, le long des 18 missions que compte le solo où il va donc falloir lutter contre les bouffeurs de tortillas. Ne vous inquiétez pas, vous aurez votre compte de sensationnel dans ce solo que l’on peut plier en une demi-journée.
We all live in a yellow submarineMalheureusement, on nous abreuve de poncifs maladroits, de rebonds scénaristiques éculés qui n’ont maintenant plus aucun ressort et de scripts qu’on essaye de faussement dissimuler par la taille des environnements. Sur ce dernier point, Black Ops II faisait au moins l’effort d’offrir une certaine variété avec plusieurs fins possibles ; ici, on a enterré la bonne idée. Il y a bien sûr quelques séquences réussies, comme les missions sous-marines et dans l’espace, celles-ci apportant une « pause » dans l’enchaînement très stéroïdé d’une action où on ne laisse pas reprendre son souffle au joueur. Mais le solo est d’autant plus décevant que les « nouveautés » annoncées pour ce Call of Duty : Ghosts ont finalement l’effet d’un pétard mouillé. Notamment pour celle qui marque l’arrivée de votre compagnon à quatre pattes, Riley. Un temps raillée pour cette digression canine, l’idée ne se serait avérée pas déplaisante si elle avait été correctement exploitée. Au final, votre toutou ne partira en balade avec vous que 15 minutes à tout casser sur une campagne qui atteint péniblement les 6h. On citera (pour la forme) que l’on peut maintenant effectuer des glissades. Peut-être utile pour le côté « spectacle », mais carrément anecdotique sur le plan du gameplay.
Ceci mis à part, quand on parle nouveauté, on lorgne avec interrogation vers la technique, pour trouver ces fameuses améliorations graphiques tant attendues. Et à nouveau (mais est-ce étonnant ?), on nous fait prendre des vessies pour des lanternes. On obtient à peine mieux que le résultat déjà décrié des opus précédents. Ça reste « propre », d’autant que le jeu jouit d’une grande fluidité, mais assez éloigné des standards que d’autres titres peuvent atteindre…surtout sur une plateforme en fin de génération. Alors que Call of Duty : Ghosts va aussi sortir sur PS4, on jurerait que les graphismes ont été volontairement downscalés pour paraître meilleurs sur next-gen. A voir, mais le résultat ne risque sûrement pas d’être renversant.
Unchained Melody
Vous l’aurez compris, le solo (encore une fois) n’est pas la hauteur de ce que nous sommes en droit d’attendre. Mais marquons un temps d’arrêt et analysons la situation. Faut-il réellement le déplorer ou même s’en émouvoir ? Bien que globalement plaisantes, grâce à une direction artistique taillée pour le grand public, les campagnes solos des derniers Call of Duty glissent irrémédiablement vers une standardisation minimaliste. Une « paupérisation » du contenu conduisant à un certain désintérêt de la part de nombreux joueurs. Purement récréative, cette partie du jeu est devenue facultative, voire même dispensable aux yeux de certains. Combien ne daignent même pas y jeter un œil ? Ou tout du moins, la priorité et l’attrait du jeu ne se situe pas ici.
Chaque année la même litanie plaintive se met en branle : on s’offusque tour à tour du manque (ou de l’absence) de prises de risques, de la convenance d’un scénario cousu de fil blanc et d’une durée qui n’excédera pas les 6h quoi qu’il arrive. Mais à quoi bon insister ? Pourquoi se lamenter davantage sur un modèle de FPS qui, devant un succès à chaque fois plus massif, a pris le parti de tout miser sur le multijoueur. « Panem et circenses » : du pain et des jeux comme au temps de la Rome antique. Pour flatter démagogiquement la plèbe, et surtout la contenter, on fignole les modes de jeu en ligne et non pas avec 2h supplémentaires (qui seraient néanmoins les bienvenues, cela s’entend) dans la campagne solo. Une vision que l’on peut regretter, mais il serait réducteur de juger de la qualité de Call of Duty : Ghosts à l’indigence de son solo.
Ghost Whisperer
Puisque c’est dans le multi que réside la clé du succès, que vaut-il réellement ? Et bien là aussi, le verdict confirme la tendance établie quelques lignes plus haut : le résultat fait mouche, encore et toujours. Infinity Ward propose quelques sympathiques nouveautés, en particulier avec des modes de jeu inédits. Il y a des choix qui pourraient laisser certains fans perplexes (taille des maps et nombre de joueurs maxi.), mais nous y reviendrons plus tard. Premier changement, dans Call of Duty : Ghosts, on ne personnalise plus des classes mais des soldats. Plusieurs avatars possibles, que l’on peut intégralement customiser : visages (qui peut prendre désormais de jolis traits féminins), casques, tenues et toute une tripotée d’accessoires pour leur donner un look inimitable. En effet, avec 20000 combinaisons différentes (un chiffre annoncé par l’éditeur, on ne s’est pas amusé à compter), une grande liberté de création est permise. Et pour parfaire le tout, il faut bien entendu mettre une arme dans les mains de son « pantin ». Là encore, le choix est suffisamment large pour contenter tous les styles de jeu. Il faut même noter l’apparition d’une classe un peu hybride, à mi-chemin entre le fusil d’assaut automatique et le fusil de précision : marksman rifles. Ça peut sembler anecdotique, mais ça permet encore une fois de répondre à l’ensemble des « sensibilités » des gamers.
Passons maintenant aux modes de jeu. En dehors des classiques et indéboulonnables TDM, Domination et FFA, on a par exemple les nouveaux venus et intéressants Eclair (Blitz) et Enragé (Cranked). Quand le dernier fait la part belle aux frags tous azimuts (il faut enchaîner les kills dans la limite de 30 secondes sous peine d’exploser), le premier revêt une dimension plus stratégique et orienté sur le teamplay. Très simplement, il vous faudra marquer des points en atteignant un portail dans le camp adverse. On pourrait faire le même parallèle entre Infecté (Infected) et Recherche et Sauvetage (Search & Rescue). L’un vous met aux prises avec un joueur possédant juste une attaque de mêlée qui devra « contaminer » les autres en les tuant. Les victimes seront à leur tour infectées et ainsi de suite jusqu’à élimination du dernier joueur. Tandis que l’autre mode est un mix plutôt habile entre Sabotage et Elimination Confirmée. L’objectif étant la pose d’une bombe tout en collectant les dogtags de vos coéquipiers (pour les réanimer) et ennemis (pour les éliminer définitivement).
Le tout sur un total de 14 maps au level design bien pensé et suffisamment varié. Par contre, on cherchera là aussi (un peu comme les évolutions graphiques promises) les environnements destructibles annoncés. Il y a effectivement la présence d’évènements dynamiques qui changent le profil de la map une fois déclenchés, mais ceux-ci sont scriptés et plutôt éloignés de l’idée qu’on pouvait s’en faire au départ. Encore une fois, la physique du moteur de jeu montre ses limites sur ce point. Autre aspect important soulevé précédemment : la taille des maps. En effet, celle-ci a sensiblement augmentée tandis que la playroom est limitée à 12 joueurs. Pour les amateurs des combats rapprochés et ultra-nerveux sanctifiant le frag à gogo, la donne a changé pour cet épisode. Attention, ce n’est pas désagréable pour autant. La recette fonctionne encore parfaitement. Il serait hypocrite de fustiger le manque de changements d’un solo qui se momifie d’année en année et ne pas se réjouir dans le même temps des aménagements qui sont faits pour le multi.
Alien Busters
D’autant que le online ne se limite pas uniquement aux modes dits compétitifs. Il y a aussi du co-op jusqu’à quatre joueurs avec le surprenant mode « Extermination ». Avec le succès de l’ami Zombie, spécialité de Treyarch, IW s’est dit qu’il fallait son pendant dans CoD : Ghosts. Et en dehors des morts-vivants, quelle est l’autre engeance que l’on aime truffer de plombs ? Les envahisseurs aliens bien entendu. Révélé peu de temps avant la sortie du jeu, « Extermination » adopte le principe de kill/coins/skill. On trucide un à un les nids des extra-terrestres, et on dépense l’argent gagné pour améliorer ses armes, compétences et tenter de remporter la partie. Basique mais imparable. Pour l’instant, seul un chapitre est disponible, mais gageons que d’autres viendront s’ajouter avec les packs DLC déjà prévus.
Autre nouveauté de CoD : Ghosts, le mode « Escouade ». Celui-ci vous permet de prendre la tête d’une équipe composée de bots que vous personnalisez pour affronter l’escouade d’un adversaire humain. Vous pouvez même réutiliser vos profils de soldats créés dans le multi, comme décrit précédemment. Comme dans le multi classique, vos victoires vous rapporteront des points pour débloquer de nouveaux éléments. Mais qui dit bot dit I.A., non ? Avec parfois tous les inconvénients que cela peut impliquer ? Heureusement, ce n’est pas le cas ici. Les actions de l’I.A. sont correctement calibrées, équilibrées et s’ajustant même au profil d’équipement que vous lui attribuez. Exemple concret, votre sniper ne va pas rusher comme un dératé sur l’adversaire (bon, ça reste des bots quand même). Mais le contenu s’avère agréable dans son déroulement comme dans sa prise en main. On terminera enfin avec le système de clans, dernier gros morceau de CoD : Ghosts. La composante eSport prenant de plus en plus d’importance, créer, gérer et participer à des oppositions entre teams a vraiment été bien pensé. Sur une période de deux semaines, chaque clan s’affrontera pour le gain de dix territoires (cartes). Le vainqueur se verra récompenser par des bonus d’expérience et de personnalisations exclusives.
Et la next-gen dans tout ça ?
Comme la plupart des jeux sortis sur Playstation 3 et à partir du 29 novembre 2013, sur Playstation 4, Call of Duty : Ghosts offre sans conteste un confort de jeu en passant sur la Next-gen. Outre la Dualshock 4 qui est taillée pour le FPS, Call of Duty : Ghosts propose des graphismes plus fins grâce à une résolution en 1080p.
Si vous vous posez encore des questions pour savoir s'il faut sauter le pas ou non, sachez déjà que toutes les statistiques du joueur sont transférés de la current-gen à la next-gen. Enfin, les possesseurs de Season Pass verront leurs achats reconduits sur la Playstation 4.
Dernier point important, le Remote Play est présent et permet de jouer sur Playstation Vita : un must.
Voici une vidéo de comparaison Playstation 3 / Playstation 4 :
Une fois encore, le plus grand soin est pris pour ne rien révolutionner. Call of Duty : Ghosts se contente de remaniements ciblés sur le multi sans risquer de déstabiliser les fondements de la série. Ce statu quo fera que les anti-CoD continueront à s’indigner et les pro-CoD seront à nouveau enchantés, même avec un solo et une technique qui pointent aux abonnés absents. La franchise est devenue une machine dont le pragmatisme économique la pousse à la recherche du succès, pas de la perfection. Pour les indécis qui souhaitent passer de la Playstation 3 à la Playstation 4, on ne peut que recommander ce passage. Le confort qu\'apporte la Next-gen et le transfert des statistiques entre les deux supports font pencher la balance vers la migration. On a hâte de voir ce que donnera le prochain épisode !
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