L'antre de Lonewolf : La télé, c'est le Bien, le jeu vidéo, c'est le Mal. Ou pas.

Quand Tomi Ungerer démontre que même un bon auteur reconnu peut dire des conneries, ça donne ça. On corrige ?

Posté le Mardi 27 Janvier 2015 à 10:10 par Lonewolf
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Ce mois-ci, dans Philosophie Magazine, Tomi Ungerer s'est fendu d'un petit billet qui n'a pas manqué de me laisser sans voix quand je l'ai vu passer sur Twitter. Si vous voulez du contexte et des réactions, c'est par là. Et je me suis dit que si je devais réagir à ça, j'aurais pondu l'équivalent d'une nouvelle en quelques heures, alors, j'ai laissé couler. Mais vous savez ce qu'on dit : "Qui ne dit mot consent". Et c'est vrai. Si vous ne réagissez pas à une phrase, quelle qu'elle soit,on va supposer que vous êtes d'accord.. Et comment pourrait-on être d'accord avec ça ? Donc, je me suis dit que j'allais essayer de décrypter un peu tout ça et d'en démontrer la totale absurdité. Allez, c'est parti, et on va y aller à peu près paragraphe par paragraphe !

"Parce qu'elle a raison, et d'autres parents, trop indulgents, devraient réagir comme elle. Jouer tout le temps à la Playstation ? NON ! Parfois ? Pourquoi pas..."

Bon, on commence gentiment, avec une phrase sensée, surtout par rapport à la question, où l'enfant demande bien (je doute qu'on ait changé ça, quand même) pourquoi sa mère refuse de le laisser jouer TOUT LE TEMPS à sa Playstation. Ces trois petits mots ont toute leur importance, et amènent à la réponse ci-dessus, simple, logique, sensée : passer absolument tout son temps devant un écran peut devenir, à plus ou moins long terme, assez mauvais pour la santé, à commencer par celle des yeux (et c'est un auteur planté régulièrement devant son traitement de texte qui vous le dit :')). Savoir réguler ses sessions est une base dont devraient disposer tous les joueurs. Donc, à ce stade, tout va bien, c'est la réaction attendue de la part de toute personne sensée, qu'on joue ou non.
Je ne vais donc pas m'attarder plus longtemps là-dessus, et on continue.

"Jouer à la Playstation n'est pas une occupation, mais une distraction, ça sert à gâcher du temps. Dans le même genre, la rêverie est préférable, car elle laisse à la fantaisie les moyens de papillonner."

D'accord... Donc, là, déjà, je suis perdu. Une distraction et une occupation sont donc deux choses différentes ? On m'aurait menti toutes ces années sur le sens de ces deux mots, et l'une me sert à juste passer le temps, et pas l'autre ? Dans ce cas, qu'est-ce qui tient de la futile distraction qui gâche le temps, et qu'est-ce qui tient de l'occupation qui le remplit de façon "correcte" ? Tant de questions posées par cette distinction qui semble importante et que si peu connaissent...
Ensuite... Gâcher du temps ? Mais gâcher le temps de qui ? De quoi ? Sur quelles bases ? Il est à qui, ce temps qu'on gâche sans réfléchir ? On a bien le droit d'utiliser son propre temps comme on l'entend, non ? Si ? Tant mieux, il me semblait aussi...
Le passage sur la rêverie, quant à lui, n'est guère mieux... Cela dit, il est dans la lignée de ce que disait déjà Ungerer sur la BD américaine et la BD en général : les comics sont vides de sens (en se cantonnant aux seuls super héros, hein, pas à l'ensemble de la prodution américaine en matière de bande dessinée...), et la BD ne laisse aucune place à l'imagination, tout y est décidé, etc...
En gros, il semblerait que, selon Ungerer, visuel = gros caca qui détruit l'imagination.
Et puis, la rêverie préférable à jouer ? Je suis d'accord d'un point de vue individuel, c'est possible de le préférer, qu'on joue ou pas. Mais je n'ai encore jamais vu une société qui décide de dire qu'il est préférable de ne rien faire que de faire quelque chose, aussi futile que ce soit. Mais bon, je dois me tromper, hein...

On arrive au passage qui me fait le plus rire, parce que c'est la parfaite illustration du type qui veut tellement diaboliser qu'il se contredit lui-même.

"Avec la télévision, on peut au moins choisir des programmes instructifs ou distrayants. Mais avoir toute la journée pour seul compagnon de jeu un écran anonyme, cela recroqueville."

Première phrase : des programmes instructifs ou distrayants... On parle bien de la télé qui nous envahit d'émissions pourries à base d'humour douteux, de séries orientées, de chaînes d'infos qui le sont encore plus, et de télé poubelle à base de réalité tordue censée être "drôle" sous prétexte de "jeu" ? Si oui, j'ai du mal à voir où est l'instructif (ah si, en 2e ou 3e partie de soirée, au plus tôt, et encore), et encore plus où est le distrayant.
Quant à la deuxième... L'écran allumée sur l'un des programmes cités plus haut serait donc moins "anonyme" que celui allumé pour lancer un jeu vidéo, ou celui d'un ordinateur ? J'avoue que là, j'ai du mal à saisir la nuance. Ou alors, c'est de l'ordre de la nuance entre distraction et occupation. Tu sais, Tomi, rejouer le sketch des chasseurs, ça te va pas. Du tout.

Quant au dernier paragraphe... J'ai un peu la flemme de le recopier, et puis, il parle de lui-même.
Ce qui est décrit (en supposant que ce soit vrai, si vous voyez ce que je veux dire) correspond assez à un jeûne strict, et donc, cette fillette n'aurait fait que boire pendant trois semaines (oui, survivre trois semaines sans boire, c'est impossible... Par contre, sans manger, et se retrouver à ne plus pouvoir manger normalement pendant un temps, ça, oui). Un exemple pareil n'est évidemment pas là par hasard, il faut donner la peur du vilain jeu vidéo. Sauf que l'exemple est plus qu'extrême...
Une journée de jeu, ça fera pas grand mal. Trois semaines, c'est sûr que là, on atteint un seuil critique de fatigue physique et nerveuse (parce que je doute que le sommeil fasse plus partie du programme que la nourriture...). Mais là, on parle d'une fillette, ce qui nous donne du, allez, 12 ans maximum... Les parents ne semblaient pas étonnés de ne pas voir leur fille pendant trois semaines... C'est un peu énorme, n'est-ce pas ?

Bref, vous aurez compris que ce texte est bien celui d'un vieux réac qui va avoir 84 ans à la fin de l'année. Donc, vous allez me demander "Mais pourquoi réagir ?". Plusieurs raisons.

1 C'est d'autant plus grave que Ungerer est un auteur et illustrateur qui s'adresse en priorité à la jeunesse (je dis en priorité parce que c'est l'essentiel de son œuvre, mais il a aussi du travail purement adulte).
2 Ce n'est pas parce que quelqu'un raconte des conneries qu'il ne faut pas réagir en se disant que ça va couler tout seul. C'est au contraire le meilleur moyen de les faire prospérer dans l'esprit des gens. Souvenez-vous, "qui ne dit mot consent". Un propos qui ne fait pas réagir se verra validé comme étant correct dans l'esprit des gens. On peut le constater dans pas mal de domaines... Et je ne sais pas pour vous, mais j'en ai "un poil" marre des clichés en rafale sur le jeu vidéo (comme sur les fictions dites de "de genre").
3 Si je râle pas, c'est que je suis malade. Ou mort. Donc...

Bref, tout ça pour dire que le jeu vidéo n'est pas plus nocif qu'un bon film ou autre chose. Comme toute activité, il demande de savoir se modérer pour le bien de sa santé, mais à part ça...
J'ajouterai que c'est bien plus intelligent que pas mal d'émissions télé, notamment grâce aux thèmes traités en second plan, cachés sous les intrigues de base...

Et surtout, chacun est libre de faire ce qu'il veut de son temps libre. Alors, amusez-vous, et n'hésitez jamais à défendre ce que vous aimez.

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Lonewolf
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