L'attente fut longue et le contrat n'est qu'à moitié rempli. Coincé 20 ans plus tôt dans la technique et le gameplay, Shenmue III reste dans la lignée de ses prédécesseurs et ne convaincra vraiment que ceux qui l'attendaient. Restent l'écriture de Suzuki et l'ambiance de Chine rurale, soit rien de moins que l'âme de la série et ce qui fait sa force et son identité. De quoi satisfaire les amateurs d'immersion.
Les plus
Les moins
Presque 20 ans déjà que Shenmue II est sorti et que tout s'est arrêté là de façon brutale... Pendant toutes ces années, Yû Suzuki n'a cessé de dire qu'il raconterait la suite d'une façon ou d'une autre, SEGA a trollé en utilisant Ryô dans ses Sonic Racing, et nous avons attendu la réédition des 2 premiers épisodes et l'annonce du troisième. Et enfin, l'E3 2015 et Sony qui surprend tout le monde : Shenmue III est bien lancé ! 4 ans après, il est là, avec la petite émotion qui va bien, et la question fatidique doit avoir une réponse : le produit final est-il à la hauteur des attentes et des fantasmes ?
20 ans de pur gel temporel !
Les vidéos, de 2015 comme de cette année, n'étaient pas encourageantes côté technique et le produit final le confirme : Yû Suzuki n'a vraiment pas touché une manette en près de 20 ans et ça se voit ! Très nettement, le visuel nous renvoie directement au début des années 2000, comme s'il n'y avait jamais eu cette longue attente et que Shenmue II était sorti il y a seulement 2 ans.
Niveau gameplay, c'est le même constat : si la situation a un peu évolué (on peut se déplacer en zoomant sur son environnement, par exemple, ou parler à quelqu'un sans avoir à zoomer sur lui), il y a toujours une certaine lourdeur dans les contrôles et des anachronismes de gameplay (les mini-jeux sont un exemple assez flagrant).
En parlant des mini-jeux, préparez-vous à les enchaîner parce que vous allez souvent avoir besoin d'argent... En effet, cet épisode a décidé d'intégrer un principe d'endurance. Alors, comme vous l'aurez compris, rien de moderne, donc, rien de comparable à Dark Souls, par exemple. Non, ici, vous allez juste... perdre de la santé en permanence au fil du temps !!!!! Autant dire que les fruits et légumes vont être achetés en masse en plus des parchemins...
Vous aurez compris, techniquement, ça ne vole pas très haut, encore que certains environnements arrivent à remonter la barre et offrir de vraispetits frissons devant la majesté des lieux.
Certains environnements sont vraiment sublimes
On reprend comme s'il ne s'était rien passé
Au niveau du fond, ce qui reste quand même important pour un Shenmue, on est quand même bien mieux lotis.
Le scénario reprend immédiatement là où s'arrêtait Shenmue 2 (et je rassure nos amis amnésiques et ceux qui n'ont pas fait les 2 premiers : le menu principal, qui dispose au passage d'une police d'écriture bien moche, propose le film récapitulatif pour se remémorer l'histoire).
On retrouve donc Ryô et Shenhua dans la grotte et on retrouve nos marques en devant retrouver le père de Shenhua : comme dans les précédents, il faudra parler à tout le monde pour avancer dans notre enquête, avec le carnet de Ryô pour recenser les informations. Cette fois, on a une mini-carte, encore qu'elle ne soit pas très utile.
Attendez-vous à beaucoup de dialogues et d'attente, car Shenmue III est évidemment un jeu très bavard avec un rythme assez lent et contemplatif. Et c'est tant mieux, quelque part, car il ne faut pas oublier qu'il y a toujours eu un côté RPG avec l'apprentissage des arts martiaux et l'évolution de Ryô.
On retrouve ça ici, avec des exercices à faire pour faire évoluer force et endurance. Les exercices en question sont assez basiques, répétables à l'envi, et le niveau de Ryô (qui détermine sa santé) est la somme des niveaux de force et d'endurance. Rien de bien méchant, mais ça demande du temps dans chaque journée (comptez, en temps du jeu, une demi-heure par exercice, même chose pour les petits boulots).
Et vous en aurez bien besoin.
Ryô et Shenhua n'ont pas changé
Entraînement et arts martiaux
Une fois de plus, Ryô devra améliorer son style et apprendre techniques et mouvements. Comme d'habitude, ça passe par l'achat de parchemins et certains proposent des mouvements qui nécessitent plusieurs niveaux pour être maîtrisés. Pour cela, vous pourrez compter sur les matches d'entraînement et de championnat au dojo, mais aussi sur les adversaires que vous allez rencontrer dans votre quête vers Lan Di.
Côté combats, c'est beaucoup plus jouable qu'avant. Oubliez le gameplay 2D à la Virtua Fighter, on est sur du pur jeu de combat 3D. Par contre, c'est un peu lent et un peu lourd, surtout que les combos vont vous demander du doigté.
En effet, les parchemins vous donnent les combinaisons, mais il ne s'agit pas juste d'enchaîner les mouvements correspondant aux boutons concernés. Il faudra en effet être assez rapide pour lancer et achever la combinaison avant de frapper votre adversaire !
Le parfait timing sera donc nécessaire pour réussir un enchaînement parfait sans se faire trop démolir et ça sera la partie vraiment difficile (esquiver les attaques consistant surtout à s'éloigner assez...)
Une fois de plus, Ryô aura son lot d'adversaires patibulaires
Nostalgie et immersion
Attendu pendant près de 20 ans, Shenmue III n'aura pas eu la tâche facile : révolutionnaire à l'époque au point d'influencer tout le jeu vidéo moderne et de se trouver un héritier spirituel en Yakuza, la série semble aujourd'hui datée et à la traîne, au moins sur le plan technique.
Pourtant, Shenmue III séduit ceux qui arriveront à passer outre ce bond en arrière de 20 ans grâce à son ambiance, son rythme, et son immersion.
Malgré une histoire qui avance, Shenmue III est un jeu nostalgique d'une époque révolue, qui ne parlera vraiment qu'à ceux qui l'ont connue. Les autres se demanderont comment on peut oser sortir quelque chose à ce stade de finition en 2019 et on ne pourra que leur donner un peu raison.
Bref, au bout du compte, on apprécie de découvrir la suite de l'histoire de Ryô, mais on se demande quand même un peu si attendre toutes ces années pour faire un tel bond technique en arrière en valait la peine et il ne fait guère de doute que, sans le charme du fond et de son rythme, la note serait nettement plus basse.
Le charme de la Chine rurale